LE VOLEUR DE LUMIÈRE
À contre-courant
Un ciel bleu cobalt, des nuages immaculés transportés par les vents et une vallée piégée entre les rocs. Tel est le point de vue fort bien cadré du “voleur de lumière”. Paradoxalement, le film jouit d’une belle clarté, et les scènes de jour éblouissent alors que celles de nuit brillent sous la lune. Un paysage pur, encore préservé du reste du monde. Un pays qui se suffit à lui même: le Kirghiztan.
Comme le décor qui l’entoure, Svet-Ake est un personnage entier. Héros sympathique, il apporte illégalement l’électricité chez les plus démunis. Un homme tendre et touchant, savourant le bonheur d’être près de ses filles et de son épouse. Son seul regret: ne pas avoir donné de garçon à sa bien-aimée. Les scènes dans l’intimité de sa maison sont très belles, notamment la scène du bain, où la femme lave tendrement son mari. Dans les yeux du héros (qui pour l’anecdote, est interprété par le réalisateur lui-même) on décèle tout l’amour du couple. Un bonheur simple, sans artifices.
Malheureusement, cette image d’épinal, s’assombrit quand le petit voleur de lumière se frotte aux puissants. Dans un pays, étranglé entre l’après-communisme et le pré-consumérisme, David a bien du mal à faire face à Goliath. Et le décalage devient béant quand, dans la yourte traditionnelle, les hommes du conseil au chapeau de feutre blanc laissent la place aux investisseurs sans scrupules.
Aktan Arym Kubat, a su par l’intermédiaire de son personnage, révéler un instantané de la métamorphose rapide du Kirghiztan. Seule démocratie d’Asie centrale, ce pays a pourtant du mal à résister à la pression économique des géants qui l’entourent. “Le voleur de lumière” est une œuvre esthétique et dépouillée, une épreuve radieuse d’un point de vue technique, qui en révèle une autre, sociale et politique, tristement plus sombre. Un film à découvrir dans les salles obscures !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur