VIVRE
Redoutablement élégant
En 1953, dans le Londres de l’Après Guerre, Mr Williams, fonctionnaire, travaille pour la ville. Silencieux et méticuleux, il dirige le bureau des travaux publics, menant une vie de routine. Apprenant qu’il est atteint d’une maladie grave, il va s’interroger sur sa vie et sortir à sa manière de son banal quotidien…
"Vivre", remarqué dans le Hors compétition du dernier Festival de Venise, est une relecture du film éponyme d’Akira Kurosawa datant de 1952. Il transpose ainsi l’histoire dans le Londres de la même époque, l’Après Seconde Guerre Mondiale, reprenant le personnage de chef du service du génie civil, décidant de faire le bien avant de tirer sa révérence. Cette adaptation est le fruit du travail de l’écrivain Kazuo Ishiguro ("Les Vestiges du Jour", adapté au cinéma par James Ivory), lauréat du prix Nobel de Littérature, qui en a proposé le concept au producteur Stephen Woolley ("Carol", "The Crying Game", "Colette"), avant que la réalisation ne soit confiée au sud-africain Oliver Hermanus, auteur de "Moffie", "La Rivière sans fin" et "Beauty".
Le résultat ? Un film à l’émotion ténue, esthétiquement superbe, porté par l’interprétation magistrale de Bill Nighy (le chanteur sur le retour de "Love Actually", "The Bookshop") et la sublime musique originale d’Emilie Levienaise-Farrouch. Grâce au travail combiné de la cheffe costumière Sandy Powell, de la cheffe décoratrice Sarah Kane, qui a pu utiliser le fameux County Hall de Londres, et surtout du directeur de la photographie Jamie Ramsay (dont c’est la 4ème collaboration avec Hermanus), le film revêt un vernis classique traduisant à merveille l’aspect routinier de ce travail qui semble tout représenter pour le personnage.
En ayant la bonne idée d’adopter au départ le point de vue d’un nouvel employé, Mr Wakeling, intégrant le bureau de Mr Williams, et chargé par défaut de s’occuper de la plainte de 3 femmes, renvoyées de bureau en bureau, c’est à la fois l’absurdité de l’administration et l’impuissance d’un homme coincé dans une fonction hyper balisée (une employée le surnomme d’ailleurs « Mr Zombie »), qui sont mises en lumière. Avec intériorité, en jouant sur les non-dits, le récit permet, toujours de manière indirecte, de faire le portrait d’un homme s’étant tardivement réveillé à la vie et à la générosité. Et le film de bouleverser par la discrétion et l’attitude en retrait d’un personnage bien plus intéressant que son apparence ne le laisse présager.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur