VILLEGAS
Chacun sa voie
Le film argentin « Villegas » est une histoire d'amitié sous-tendue de secrets et de souvenirs enfouis. Des les premières minutes que les deux cousins passent ensemble, une tension inexplicable se fait jour, qui demeurera inexpliquée. Et lentement, le scénario, écrit avec finesse, nous révélera deux personnages un rien perdus dans une existence soit trop tracée, soit loin de leurs espérances initiales. L'un se laissera aller à ses derniers instants de liberté, loin de sa rigidité apparente. Tandis que l'autre pourrait bien finir par accepter ses échecs et décider, enfin, de se prendre en mains. L'inversion des comportements se fait donc pas à pas, décrivant le difficile passage à l'âge adulte auquel de nombreux hommes sont confrontés, devant un jour arrêter de zapper d'une femme à l'autre, et finir par considérer les gens avec respect.
« Villegas », du nom de leur village natal, est une œuvre tendre et cruelle qui sent bon les rapports de famille véridiques. Elle met la chaleur de tout un village en opposition avec une vie urbaine, rêvée pour l'un, cadrée pour l'autre. Les retrouvailles qui ont lieu ici, ne seront pas sans conséquences. Avec l'âge, elles prennent de l'importance, renouant avec des racines laissées de côté, ou révélant comme ici, à demi-mots, une véritable complicité entre un père et son fils, ceci, même si leur indéniable envie de communiquer ne peut rien face à leur incapacité à aller dans la même direction. Mais après tout, c'est certainement l'intention qui compte, et qui réchauffe le cœur.
Ce nouveau road-movie argentin, découvert en séance spéciale au Festival de cannes 2012 affiche le désarroi de ses deux adultes, ballottés entre manque et excès de stabilité. À la gêne exprimée durant le voyage, fait place une certaine nostalgie, soulignée par une jolie chanson, sur le fait de ne pas revenir, de se séparer de ses rêves, et finalement quelque part de son passé de jeune homme... Lui succède un étrange climat, qui règne dans la partie se déroulant au village, entre vent de liberté et tristesse qui pointe son nez. Cela donnera d'ailleurs l'une des plus belles scènes du film, sorte de point d'orgue émotionnel, lorsque Pipa écoute un vieux air sur disque vinyle dans la maison de ce « papi » qui les a quitté. En soi, elle résume assez bien, comme la scène de complicité dans le silo à grains (qui a donné lieu à l'affiche), ce que constitue ce moment au pays : une respiration hors du réel, mêlant goût retrouvé - comme à l'adolescence - pour l'interdit, et prise de recul forcée.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur