VIF-ARGENT
Une idée séduisante pour une œuvre pas pleinement aboutie
Juste aide les gens à passer dans l’autre monde. Seul lui peut voir ces personnes bloquées entre la vie et la mort. Jusqu’à ce qu’il voit Agathe, une femme de son passé, pourtant bien vivante. Pourront-ils s’aimer à nouveau ?…
Depuis quelques mois, un retour du fantastique semble poindre le bout de son nez dans l’hexagone, avec par exemple "Dans la brume" ou "La Nuit a dévoré le monde". Si ces tentatives s’essayaient à détourner les codes d’un cinéma de genre, aucun n’avait osé s’inscrire dans un réalisme fantastique épuré, dont l’onirisme invite bien plus l’héritage de Jean Cocteau que celui des références américaines. Le très rare Stéphane Batut n’a lui pas hésité. Son histoire suit Juste, un jeune homme chargé de faire passer les âmes du monde des Vivants à celui des Morts, les accompagnant jusqu’au jugement dernier personnifié par une femme. Dans ce Paris désertique et solitaire, il va croiser Agathe, son ancien amour, pourtant bien vivante. Comme si la Providence lui accordait une seconde chance, celle d’aimer une seconde fois, celle d’exister à nouveau.
Si l’idée est évidemment louable et ambitieuse, le résultat est plus maladroit, la faute à un lyrisme parfois risible et à beaucoup de longueurs qui annihilent tout impact émotionnel. Là où on aurait aimé plonger dans une expérience charnelle et sensorielle, la poésie se limite à quelques fulgurances. À force de multiplier les symboles et les métaphores, le métrage s’enferme même dans un cadre trop strict où les protagonistes n’ont pas la place de respirer. Le romantisme est palpable, la réflexion autour du vide laissé par les êtres perdus est réelle, mais jamais "Vif-Argent" ne parviendra à s’émanciper de sa lourde mécanique formelle. Heureusement, cela n’empêche pas les comédiens de briller, en particulier Thimotée Robart dont cette première apparition à l’écran ne devrait pas être la dernière.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur