VERT PARADIS
Premier film d'un scénariste déjà rôdé. Un échec total. Cherchez l'erreur
Lorsque Pierre Bourdieu, célèbre sociologue, écrit l'article " Le Bal des célibataires " sur les problèmes amoureux et sentimentaux, il ne sait pas encore que son fils Emmanuel utilisera un jour cette étude pour son premier film. Si cela avait été le cas, aurait-il mené à bien son projet ? Car le résultat est très décevant. On en attendait pourtant beaucoup du fils Bourdieu, qui n'en est pas à son premier coup cinématographique : après sa collaboration avec Arnaud Desplechin sur " Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) " et " Esther Kahn ", il co-écrit le scénario de " Place Vendôme " avec Nicole Garcia. Son moyen-métrage " Candidature " reçoit même le prix Jean Vigo en 2001.
Mais alors, que s'est-il passé ? L'histoire commence sur un quiproquo. Bon point de départ, mais très risqué, car l'exposition doit être parfaite pour que le stratagème mis en place marche correctement. Trop risqué apparemment pour Bourdieu qui s'y embourbe les pieds. A tel point que le spectateur, perdu car ignorant, en vient à se demander ce qui tient du domaine du prévu et ce qui est du domaine du non-contrôlé. Après une heure infernale de questions intérieures, le couperet tombe : oui, oui, c'était bien un quiproquo. Le voilà rassuré. Seulement, problème : le film est bien entamé, et tout est passé tellement haut que suivre le fil du récit se serait avéré du domaine du paranormal. Alors reste à attendre patiemment l'apparition du mot béni de la fin, en se laissant porter par un récit banal et inintéressant, bien que tiré de faits réels.
On ne peut néanmoins nié le talent de Bourdieu en ce qui concerne le choix de ses acteurs. Denis Podalydès (" Le mystère de la chambre jaune ", " Embrassez qui vous voudrez ") reste royalement fidèle à son craquant flegme britannique et Natasha Régnier (" La vie rêvée des anges ") apporte une bouffée d'air particulièrement rafraîchissante. Le jeune Clovis Cornillac (" A la petite semaine ", " Malabar Princess ") gagne peu à peu ses galons.
" Il y a plus de dix ans, quand Denis Podalydès et moi-même avons commencé à écrire la première version du scénario, " Vert paradis " s'inscrivait dans le registre du film anthropologique, hésitant à la frontière de la fiction et du documentaire, a déclaré le réalisateur. Au fil des années, c'est devenu ce qu'on pourrait appeler un "suspense sentimental", c'est-à-dire un suspense dont l'enjeu n'est pas la résolution d'une énigme policière, mais celle d'un quiproquo, d'un malentendu amoureux ". Ah, dommage ! On avait vu ça comme une tranche de vie déjà périmée.
Lucie AnthouardEnvoyer un message au rédacteur