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VERS LE SUD

Un film de Laurent Cantet

On dirait le Sud, le temps dure longtemps…

Début des années 80. Haïti vit sous la coupe du dictateur Baby Doc. Malgré tout, le pays reste une destination touristique très prisée. L’hôtel de la Petite Anse, installé sur une plage de la banlieue de Port-au-Prince, est un véritable éden tropical autour duquel gravite une bande de jeunes garçons qui échangent leurs charmes et leur tendresse contre quelques faveurs, un bon repas, parfois quelques dollars, et surtout un peu de calme. Deux clientes américaines d’une cinquantaine d’années, en mal de tendresse et de sexe, voient leur vie bouleversée par la véritable passion amoureuse qu’elles éprouvent pour Legba, 18 ans et beau comme un dieu, qu’elles viennent retrouver chaque année…

Vers le Sud est l’adaptation d’une nouvelle homonyme de Dany Laferrière, publiée dans le recueil La chair du maître en 1997. Cantet, réalisateur de Ressources humaines (1999) et L’emploi du temps (2001), découvre ce livre lors de son retour d’un voyage en Haïti, et est frappé par les similitudes entre le Haïti du recueil et ce qu’il a lui-même vécu. Il décide alors d’adapter l’histoire au cinéma.

Vers le Sud a son propre rythme, un rythme de croisière, de vacances ?, qui déroule son histoire comme un fleuve tranquille. Vers le Sud est l’histoire de quelques américaines en mal de soleil, qui, chaque année, s’expatrient quelques semaines à Haïti, dans une sorte de « village-vacances » un peu particulier, où se mêlent touristes américaines d’âge mûr et jeunes hommes du pays qui vendent leur corps pour fuir un peu de la pauvreté de leur quotidien. Avec de l’argent, on achète de l’amour, du moins, son illusion.

De l’illusion parce qu’il est difficile de distinguer chez Legba (le jeune haïtien objet de toutes les convoitises) la tendresse qu’il peut avoir pour ces femmes et le fait qu’il ait besoin d’elles et de leur regard, pour exister en tant qu’homme et fuir un quotidien baignant dans la dictature et la pauvreté. De l’illusion aussi parce qu’il est difficile de distinguer chez ces femmes le véritable amour qu’elles peuvent avoir pour Legba en tant qu’homme, du désir qu’elles peuvent avoir pour des corps jeunes, dorés au soleil, exotiques, et du besoin qu’elles ont de se sentir vivre en tant que femmes désirables (ce malgré leur âge).

Vers le sud est donc un joli film, écrit et réalisé par des hommes, traitant du désir féminin. Il lui manque toutefois le quelque chose qui fait que l’on s’attache véritablement aux personnages. C’est peut-être ce flou des sentiments et des histoires imbriquées qui font que l’on perd un peu la route sur laquelle Cantet veut nous amener. Dommage, car que les trois actrices principales ont de très beaux rôles de femmes fragiles/fragilisées (dans lesquels elles sont parfaites), qui abordent le délicat sujet qu’est celui du film avec beaucoup de pudeur et de grâce. On reste donc sur notre faim.

Stéphanie PalisseEnvoyer un message au rédacteur

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