L'UOMO IN PIÙ
Deux hommes sur le fil, deux destins flamboyants
1980. Antonio Pisapia est un jeune footballeur talentueux, en pleine ascension. Antonio « Tony » Pisapia est une star de variété italienne au sommet de sa carrière. Le premier est un homme timide et profondément triste, le second un monstre d’arrogance et d’égocentrisme. Ils portent le même nom, mais tout les sépare. Pourtant, leurs vies respectives basculeront en même temps, faisant d’eux des hommes déchus. Se peut-il que leurs destins se croisent un jour ?
Plus de dix ans après sa sortie en Italie, le premier film de Paolo Sorrentino arrive enfin dans nos salles. Les amateurs de son style ultra-formaliste risquent d’être surpris : « L’Uomo in più » (L’homme en plus en VF) est beaucoup plus humble dans sa mise en scène que des œuvres comme « Les Conséquences de l’amour » et « Il Divo », qui ont ouvert au réalisateur napolitain les portes de la reconnaissance. Pour autant, il est loin de leur être inférieur : c’est sans doute au contraire le film le plus fouillé et le plus émotionnel de sa filmographie.
Bien que tout oppose Antonio et Tony, les deux hommes expriment une certaine idée de l’Italie des années 1980. Qu’ils soient champion de football, passion nationale par excellence, ou grande star de la chanson italienne, ils sont considérés par leurs fans comme des dieux, et ainsi portées dans les plus hautes sphères du sacré. Pourtant, l’un attire clairement la sympathie et la compassion –le footballeur aux yeux de chien battu et à l’ingénuité d’un enfant-, tandis que l’autre incarne l’arrogance et le mépris, prenant de haut son public et abusant de l’innocence des jeunes filles en fleur. Or la rencontre des deux hommes, que leur homonymie absurde et la concomitance de leur malheur (une blessure au genou pour l’un, un détournement de mineur pour l’autre) présagent, ne vient pas au moment attendu. Et c’est là toute l’intelligence et l’originalité du film. Loin d’assurer la convergence inexorable de ses personnages, « L’Uomo in più » est un film subtile sur la promiscuité des destins et sur les liens invisibles qui peuvent réunir deux âmes discordantes, et non pas sur leur rencontre.
Dès lors, le film devient passionnant. Incarnés par deux acteurs magnétiques (Andrea Renzi, malheureusement inconnu chez nous, et Toni Servillo, devenu depuis l’acteur fétiche du réalisateur), les deux protagonistes construisent leur propre saga, alternant descentes aux enfers et remontées d’espoir. La bande sonore, déjà très présente dans cette première œuvre (chez Sorrentino, la musique a toujours fait partie intégrante de la mise en scène), souligne avec force la progression des personnages et marque les différentes époques qu’ils traversent. Quelques belles idées de mise en scène (comme ce monologue survolté de 3 minutes de l’entraîneur face à son équipe, ou ce long plan séquence de Tony arrivant en boîte de nuit), échappant à toute grandiloquence, permettent à la fois de saisir les univers dans lesquels baignent les personnages et de raconter leur histoire. Une histoire belle et triste, à seulement deux issues : celle où les rêves s’écroulent, et celle où une seconde chance est donnée.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE