UNE VIE OU L'AUTRE
Alors que leurs études se terminent, deux amis, Natalie et Gabe, fêtent ce nouveau départ en couchant ensemble, sans autre arrière-pensée. Quand Natalie décide de faire un test de grossesse malgré les précautions prises, deux avenirs sont possibles selon le résultat. Deux vies de Natalie vont alors se dérouler en parallèle…
Sortie le 17 août 2022 sur Netflix
Voilà Wanuri Kahiu, révélée par le magnifique "Rafiki", aux commandes d’un long métrage américain produit pour Netflix. Un peu comme la Saoudienne Haifaa al-Mansour avec "Une femme de tête", la réalisatrice kényane semble quelque peu vampirisée par un cahier des charges trop lisse. On cherche ainsi, plutôt vainement, où pourrait se cacher les marqueurs du mouvement « Afro Bubble Gum » qu’elle souhaite promouvoir, dans ce film où les protagonistes sont majoritairement blancs. Malgré l’usage des couleurs (mais plus pastels que dans "Rafiki") ou un enthousiasmant personnage secondaire afro-lesbien (merveilleusement incarné par Aisha Dee), "Une vie ou l'autre" ne permet malheureusement pas à Wanuri Kahiu d’exprimer pleinement son style. De même, la bande-son n’est pas aussi stimulante qu’espéré (le fait qu’un personnage soit batteur était pourtant une bonne occasion à saisir !) et on ne retiendra qu’une séduisante reprise du tube "We Are Young".
Ces attentes déçues ne font pourtant pas de ce film un échec car il y a, inversement, de quoi être agréablement surpris par la manière de mettre en scène les deux réalités parallèles. On pouvait pourtant avoir des craintes sur ce point car les comparaisons ne manquent pas (citons par exemple "Cours, Lola, cours" ou "Pile et Face"). Or, "Une vie ou l'autre" parvient à entrelacer habilement les deux vies alternatives de Natalie (incarnée par une Lili Reinhart plutôt convaincante), parfois dans le même plan, et sans jamais provoquer de confusion pour le public, qui a toujours un élément auquel se raccrocher pour savoir de quel côté on bascule. Le montage est admirable et les dessins de l’héroïne servent également de liant tout en apportant une touche créative bienvenue.
Quant au scénario, il se sert de cette double trajectoire pour interroger la façon dont on planifie nos vies. Bienveillant et chaleureux de bout en bout – d’aucuns trouveront que personnages et situations sont quelque peu gnangnan mais ça fait réellement du bien aussi de faire le plein de positif ! – ce long métrage semble nous dire qu’il ne faut pas avoir peur des hasards, des obstacles ou des accidents de la vie, et qu’il existe finalement plusieurs façons d’être heureux. D’une certaine façon, "Une vie ou l'autre" relativise également l’expression « réussir sa vie », qui n’a guère de sens.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur