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UNE SECONDE MÈRE

Un film de Anna Muylaert

Chacun sa place

Val est bonne à tout faire dans une riche demeure de la banlieue de Sao Paulo. Présente depuis des années, elle s'est occupée du jeune Fabinho, depuis sa jeune enfance. Toujours très attentive au moindre détail, Val reçoit soudain des nouvelles de sa fille, Jessica, qu'elle n'a pas vue depuis 10 ans. Ses patrons acceptent que cette dernière habite avec sa mère, le temps qu'elle lui trouve un appartement...

Ce long-métrage brésilien, "Une seconde mère", est de ces petits films qui traitent de grands sujets sociaux. Ici ce sont les différences entre les classes sociales qui sont en ligne de mire et plus particulièrement l'hypocrisie d'une bourgeoisie installée et son incapacité à partager. Au travers du tendre portrait d'une bonne à tout faire (Dieu que la réalisatrice Anna Muylaert aime son personnage principal !) et de sa relation avec deux enfants (sa fille laissée à distance durant 10 ans et le fils de ses patrons, pris d’affection), ce sont aussi les difficultés de tout un peuple qui se dressent en arrière-plan.

D’un cadeau d'anniversaire sincère mais bon marché, en dialogues complices dans la cuisine avec le fils devenu adolescent, jusqu'à l'acceptation temporaire de sa fille dans sa chambre, Val se fond dans le décor et des liens presque familiaux se dessinent entre elle et ce foyer dont elle prend soin. Des situations que le scénario, malin, n'aura de cesse de démonter une à une par la suite, le personnage de la fille jouant les éléments perturbateurs dans cet équilibre acquis avec douceur.

Grâce à une actrice principale habitée, le film atteint très facilement des sommets d'émotion, tout en décrivant dans sa relation aux autres, et dans le désordre, gentillesse intéressée, fausse générosité, plaisir de façade et finalement désir de remettre en ordre les choses, de reposer les limites d'une relation sociale. À l'image de Regina Casé, totalement transformée lorsqu'elle se permet, en privé, de défaire ses cheveux, le film, qui a reçu le prix du public au Festival de Berlin 2015, est une ode à la liberté et à l'émancipation face à des patrons oubliant souvent l'humain.

Bénéficiant d'une mise en scène sobre et aux cadrages finement travaillés, "Une seconde mère" use pour soutenir son discours de symboles simples caractérisant la barrière qui sépare riches et pauvres (ici la piscine est un élément central...). En douceur, il prône le dialogue interne dans la cellule familiale, tout en dénonçant les excès liés au travail et à l'argent. Une vraie surprise qui met du baume au cœur.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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