UNE PRIÈRE AVANT L’AUBE
Th-aïe-lande
Les festivaliers de la cuvée cannoise de 2017 l’avaient bien annoncé : la baffe allait être particulièrement violente. Aucun doute là-dessus : "Une prière avant l’aube" tient toutes ses promesses de ce côté-là. La seule inconnue à résoudre tenait dans ce que pouvait produire le retour à la fiction de Jean-Stéphane Sauvaire dix ans après "Johnny Mad Dog". Que le cinéaste ne fasse pas dans la dentelle, qu’il n’hésite pas à offrir un amoncellement de brutalité virile et sans aucune concession, on s’y attendait. Que son parti pris s’exprime là encore par une vraie recherche documentaire sur un sujet aussi actuel que potentiellement brûlant (la condition des détenus dans les prisons thaïlandaises remplace ici l’embrigadement des enfants soldats en Afrique), c’était couru d’avance. Que son principe d’hyperréalisme total se décline ici par une violence extrême et une sensation de danger quasi permanente, cela semble une évidence. Mais ce cinéma primitif et viscéral, proche d’un chemin de croix sensitif, n’a pas encore évacué ce qui posait problème sur "Johnny Mad Dog". Fouiller une situation de danger et de violence par une mise en scène hyperréaliste, c’est très bien, mais encore faut-il que la finalité de la chose ne se limite pas à sa seule intention de départ (à savoir se reposer sur une pure mécanique d’impression et de choc).
Même avec un pitch à la "Midnight Express", Sauvaire ne cherche pas à transcender un schéma narratif plus éculé qu’autre chose (les histoires de rédemption en milieu carcéral, cela commence à devenir sacrément cliché !) et s’en tient au vif de la situation, en l’état creusé et amplifié par une énergie certes dévastatrice. On pourrait louer un travail impressionnant sur le son, mais on a juste envie de se boucher les oreilles devant une bande sonore qui enregistre plus du bruit que de l’énergie. On pourrait adhérer à cette caméra portée qui immerge au cœur de l’enfer, mais elle ne fait jamais preuve d’une quelconque symbolique au travers de l’image. On pourrait se sentir éprouvé par tant de violence ressentie, mais on a parfois l’impression que Sauvaire vise moins la sensation pure et dure que l’agression dure et impure. Il en était déjà de même dans "Johnny Mad Dog", où son regard sur des enfants soldats drogués et incités à jouer les terreurs se voyait sans cesse relégué en arrière-plan au profit d’une hystérie vite soûlante et d’un manichéisme en l’état impardonnable. Il faudra donc encore attendre avant de voir Jean-Stéphane Sauvaire en train de traiter vraiment un sujet par l’image et le son au lieu de privilégier l’image et le son comme force brute qui affaiblit in fine son sujet.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur