UNE HISTOIRE D’AMOUR
Et le vide se fit
Adapté du roman « Sévère » de Régis Jauffret, lui-même inspiré de l’affaire Stern (attention, si vous ne connaissez pas l’affaire en question, vous renseigner reviendrait à vous spoiler l’issue du film), ce premier long-métrage d’Hélène Fillières (elle est Sandra Paoli dans la série « Mafiosa », mais surtout l’actrice fétiche de sa sœur, Sophie, réalisatrice) propose de raconter un fait divers de façon somme toute originale. En effet, plutôt que de se focaliser sur le dénouement, elle choisit d’imaginer ce qu’aurait pu être la relation des deux protagonistes, et la façon dont elle a pu provoquer leur déroute. Plus intéressant encore : elle évacue toute information contextuelle ou sociale (on sait juste qu’il est banquier et qu’elle est mariée), se concentrant sur son principal sujet : la relation sado-masochiste entre deux êtres qui ne se connaissent pas mais qui ne peuvent se passer l’un de l’autre.
La mise en scène découlant de ce parti-pris est donc sèche et dépouillée. Dès la toute première image, montrant un Poelvoorde nu comme un ver et ficelé de la tête aux pieds, on comprend que le film sera cru, froid et sans détours. Des décors aux vêtements, tout est épuré à l’extrême, dépouillant les lieux et personnes de toute âme, les réduisant à de pures unités narratives. Et comme seuls comptent les personnages, Hélène Fillières choisit de braquer sa caméra inlassablement sur eux, usant de longs plans circulaires qui ne laissent rien échapper. On assiste ainsi à un véritable exercice de style, pari plutôt osé tant pour l’apprentie cinéaste que pour ses deux acteurs, qui ne nous ont pas habitués à un tel registre (si ce n’est Poelvoorde, dont l’agressivité et la fragilité latentes semblent le prédisposer à son rôle).
Malheureusement, la qualité du film s’arrête à son intention. Car si l’entreprise est louable, le résultat n’est pas aussi intéressant qu’escompté. Totalement dépourvu d’âme, trop clinique dans sa volonté de disséquer les comportements, et parfois même caricatural dans sa posture contemplative, « Une Histoire d’amour » plane trop haut pour toucher. Le personnage de Bohringer, en mari laissé pour compte, n’apporte rien. La construction en flash-backs, qui permet de rythmer quelque peu la narration, passe quasiment inaperçue. La totale désincarnation des personnages, et donc leur superficialité, ne parvient jamais à révéler quoi que ce soit de leur relation, ni de leur nature… Alors à quoi bon ? Derrière le nacre, le vide et l’ennui, inéluctables. Jusqu’aux cinq dernières minutes du film où l’on sent, enfin, poindre une once d’émotion.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur