UNE FEMME DE TÊTE
Que cache le vernis de superficialité ?
Depuis son enfance, la mère de Violet lui a inculqué un certain culte de la perfection et de la réussite sociale. Elle a particulièrement intégré une des obsessions de sa mère : les cheveux crépus sont à bannir et toute Afro-Américaine qui se respecte doit se lisser constamment les cheveux ! Devenue adulte, Violet est une publicitaire spécialisée dans les produits de beauté et son petit ami, interne en médecine, semble sur le point de la demander en mariage. Tout semble pourtant se gripper à partir d’un incident capillaire…
Sortie le 21 septembre 2018 sur Netflix
Désormais bien installée à Hollywood, Haifaa al-Mansour ("Wadjda", "Mary Shelley") est aux manettes de ce film Netflix, une adaptation d’un roman dont Halle Berry avait un temps obtenu les droits sans que son projet n’aboutisse. Doit-on en conclure que la réalisatrice saoudienne est arrivée un peu par hasard sur ce film ? En tout cas, ce n’est pas si incohérent puisqu’elle s’empare à nouveau d’un scénario centré sur l’émancipation d’un personnage féminin, dans une illustration du mouvement nappy qui milite pour que les femmes noires assument leurs cheveux crépus au lieu de se conformer à des normes de beauté finalement construites par les Blancs.
Au début du film, on se dit que la réalisation très lisse peut s’interpréter comme une transposition formelle du lissage de cheveux, la superficialité du long métrage entrant donc en écho avec les normes que l’héroïne s’efforce de suivre pour plaire et réussir. Derrière ce vernis, on trouve évidemment un militantisme (sans doute trop explicite) à la fois féministe et antiraciste, à travers le scénario d’une émancipation progressive – et en partie forcée par les évènements – vis-à-vis des normes patriarcales et blanches (de beauté mais pas seulement).
La cohérence aurait dû conduire la réalisation à faire évoluer le style vers quelque chose de plus mordant ou de plus original, au fur et à mesure que le personnage principal progresse dans sa prise de conscience. Hélas, Haifaa al-Mansour semble prise au piège par la mise en place d’un style finalement trop glacé et trop stéréotypé, qui annihile le fond, faisant ressembler "Une femme de tête" à un téléfilm lambda qui manque à la fois d’âme et de subtilité.
Le film nous emporte donc trop ponctuellement, par exemple avec la magnifique scène du rasage de crâne de l’héroïne : un quasi plan-séquence où s’expriment les sentiments contrariés d’une femme qui se réinvente, qui se redécouvre, qui se libère, qui renaît… mais qui efface forcément un passé qu’il n’est pas aisé d’oublier en un claquement de doigts. Notons aussi que le titre original ("Nappily Ever After") est bien moins fade que le titre français, avec un jeu de mot sur le mouvement nappy et l’expression « happily ever after » (« tout est bien qui finit bien »). Malheureusement, ces éléments d’inventivité sont trop épars et ne compensent pas un ensemble beaucoup trop lustré.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur