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UNE EXECUTION ORDINAIRE

Un film de Marc Dugain

Dussolier en Staline habité par la folie

Sur fond de climat de terreur qui succéda au « complot des blouses blanches », la Russie se trouve, en 1952, guidée par la volonté d'accéder, malgré la dictature en place, à une certaine liberté. Staline, agonisant, convoque au Kremlin une jeune urologue magnétiseuse pour apaiser ses souffrances. Celle-ci se trouve rapidement contrainte de garder le secret de leurs rendez-vous et est tenue de ne briser le silence sous aucun prétexte... sous peine de disparaître. Personne, ni même son mari qu'elle aime par dessus tout, ne doit savoir. Au nom de la raison d'Etat, elle devra le trahir et mettre en péril son couple...

C'est cette relation particulière, entre Staline et une médecin, placée sous l'égide de l'intimité, que Marc Dugain, écrivain, porte à l'écran l'adaptation de son propre roman sorti en 2007. Un premier film ambitieux, qui arpente les contours d'un terrain miné, et dans lequel l'oppression menace, à chaque détour de plan et de caméra. Par une mise en scène classique dans sa forme, mais audacieuse, le film trouve son homogénéité, notamment par le soin apporté à la reconstitution historique et à la magnifique photo signée Yves Angelo.

André Dussolier, totalement méconnaissable, vieilli, grossi, interprète un Staline habité par la folie, l'intelligence, la perversité, et dont l'aspect méprisant est saisissant. En odieux personnage, il observe, tel un prédateur, sa proie, pour mieux l'apprivoiser et la manipuler. La solitude hallucinante de Staline est finalement terrifiante et froide... à l'image du film. Et André Dussolier est un acteur qui a l'étoffe du héros en question. Pour lui donner la réplique, Marina Hands tout en retenue, est criante de vérité et débordante d'émotion. A leurs côtés, Edouard Baer s'avère d'une sobriété et d'une justesse de jeu incroyables.

Leur jeu du chat et de la souris place le spectateur en état d'alerte permanent. Le travail effectué sur les silences et les regards est un point fort du film, qu'on regrette cependant de voir interprété en français. « Une exécution ordinaire » retrace donc une page de l'Histoire, vue sur un plan purement romanesque, qui confère à son auteur toute légitimité à faire son entrée dans le monde du 7ème Art.

Laurence SalfatiEnvoyer un message au rédacteur

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