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UNE AUTRE IDÉE DU MONDE

Moi, BHL, sauveur du monde !

Ces dernières années, Bernard-Henri Lévy parcourt le monde pour une série de reportages commandée par « Paris Match ». Il se rend ainsi au Nigéria, en Ukraine, en Somalie, en Grèce, au Bangladesh, au Kurdistan, en Libye et en Afghanistan, pour témoigner des conflits et de la misère…

Une autre idée du monde film documentaire documentary movie

Mais que deviendra le monde quand Bernard-Henri Lévy ne sera plus à son chevet ? C’est ce qu’on se demande, avec une ironie non masquée, quand on regarde ce film d’« écrivain-reporter » (c’est ainsi que BHL s’auto-définit). Malgré tout l’intérêt de ce documentaire et la pertinence de ses sujets, une omniprésente indécence parcourt le récit : l’égocentrisme de son réalisateur et principal protagoniste, qui est accueilli tel un chef d’État, écouté comme un leader charismatique, attendu comme le messie… Voilà bien l’impression qui se dégage d’un long métrage à la première personne, dans lequel BHL n’a pas l’humilité de s’effacer au profit des vrais protagonistes de ces conflits dont il entend se faire le soutien et le témoin privilégié. Le mot « privilégié » n’est pas galvaudé, puisqu’il explique par exemple qu’il a demandé une faveur au président ukrainien pour aller dans des zones qu’aucun reporter n’a eu l’autorisation d’approcher, et il s’en vante, insistant sur le fait qu’il n’est pas reporter mais écrivain, comme s’il s’agissait d’un passe-droit !

En ayant la prétention de proposer un regard hors du commun et précieux, il rend sa démarche tristement superficielle et pathétique. En outre, son « tour du monde des guerres oubliées » (à l’entendre, sans lui, on n’en parlerait pas) est plombé par sa narration chevrotante et pompeuse, qui laisse peu de place à d’autres voix, ni même aux silences – un paradoxe puisqu’il tente de se mettre en scène comme un homme perpétuellement à l’écoute d’autrui. Or, que le voit-on faire ? Entre autres donner des leçons de citoyenneté aux enfants des combattants français de Daech prisonniers des Kurdes, ou adouber le fils du commandant Massoud en le proclamant nouveau « Lion du Panshir ». En fait, il passe son temps à se donner de l’importance.

Notons quand même que les causes qu’il défend sont plutôt justes et que l’on a malgré tout envie d’aller dans son sens. Mais même le fond pose parfois problème : il donne régulièrement l’impression d’être un boulet pour les gens qu’il accompagne puisqu’il faut assurer sa sécurité (alors que ces personnes ont d’autres chats à fouetter que de chaperonner un philosophe qui se croit indispensable !) et ses commentaires établissent une forme de hiérarchie des combats et des souffrances en sous-entendant, le temps de brèves séquences filmées en France, que les problèmes sociaux et sanitaires que connaissent les pays développés sont futiles – dit autrement, on devrait se taire dès lors qu’il y a toujours pire ailleurs, et peu importe la misère que vivent les Gilets Jaunes ou les souffrances des malades du Covid-19 !

Exprimant tantôt une fausse modestie, tantôt sa fierté d’avoir été acteur ou témoin de nombreuses luttes, BHL investit quasiment tous les plans, et sa présence paraît souvent incongrue voire déplacée. Tout juste ressent-on plus de sincérité lors de sa visite au Bangladesh. L’accumulation des archives et des images plus récentes nous permet de poser une question : qui a assisté à autant d’évènements historiques que lui, hormis les personnalités politiques et Forrest Gump ?

Finalement, le mieux serait de regarder ce film en se bouchant les oreilles, pour se concentrer sur l’essentiel : les images de tragédies passées ou présentes – soit ce qu’aurait dû être le sujet central de ce documentaire au lieu de se concentrer sur un ego trip. Mais si on réfléchit bien, le titre n’est pas trompeur : le sujet, c’est bien le regard de BHL, et non le monde qui est relégué dans un complément du nom. Et quel nom : un super-héros tiers-mondiste qui survit à tous les conflits qu’il traverse depuis des décennies, vêtu d’un complet-veston presque toujours impeccable ! Faut-il remercier BHL d’avoir si souvent risqué sa vie et sa garde-robe pour nous éclairer et pour guider le monde ?

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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COMMENTAIRES

freethought

mercredi 15 décembre - 10h25

BHL fait du BHL... un doc qui aurait pu être très intéressant du point de vue des images fortes mais qui devient vite insupportable tant BHL se met en avant comme le sauveur du monde avec un égocentrisme tellement voyant qu'on finit par ne plus voir que ça... gênant et horripilant.

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