UNE AFFAIRE D'HONNEUR
Un duo de formidables interprètes, au sein d’une reconstitution convainquante
En France, en 1887, les duels, censés laver un affront, sont interdits par la loi. Clément Lacaze, maître d’armes, affronte un adversaire espagnol, en visite. Dans la salle, la fille du colonel Berchère, n’a d’yeux que pour un jeune homme, Adrien, neveu de Lacaze. N’entendant pas la céder, pour laver l’honneur de celle-ci, le colonel le provoque en duel. De son côté, Marie-Rose Astié de Valsayre, féministe, qui a écrit au Préfet pour protester contre l’interdiction du port du pantalon et pour demander le droit de vote des femmes, se sent offensée par les articles du journal publié par Ferdinand Massat, qui s’évertuent à déformer ses combats. Elle, qui a créé la première ligue d’escrime féminine, lui demande alors réparation. Si Massat refuse le duel, Clément Lacaze accepte lui d’être son maître d’armes…
Réalisateur de "Peau d'ange" et "Si j'étais toi", l'acteur Vincent Perez n'était pas repassé derrière la caméra depuis le décevant "Seul dans Berlin", sorti fin 2016. Le voici qui nous revient en pleine forme, avec la reconstitution soignée d'une époque de transition, la fin du XIXe siècle (la fin des lampes à huille et les séquelles de l'humiliation militaire française qu'à été la guerre de 1870), pour un film autant témoignage historique que thriller féministe. L'occasion de livrer un film tout en élégance, disposant d'un véritable suspense, et surtout de deux personnages principaux dotés de valeurs hautement positives et modernes.
Roschdy Zem interprète ainsi avec tenue, le rôle d'un maître d'armes solitaire, défendant l'injustice faite à son neveu, et laissant fissurer sa carapace au fil de l'intrigue. Mais c'est surtout Doria Tillier qui impressionne, en endossant le costume d'une femme qui n'a pas froid aux yeux, qu'il s'agisse de répondre à une insulte dans la rue, de tenir tête aux hommes en général, comme de réclamer une égalité des droits pour les femmes, avec forces arguments. Inspiré d'une femme ayant réellement existé, ce personnage dispose d'un aplomb qui séduira forcément, comme pourra le faire l'élégance de son phrasé.
Guillaume Galienne et Damien Bonnard viennent compléter le casting masculin, en directeur raisonné de la ligue d'escrime et en rédacteur en chef dont l’ambition est trop voyante. Quant à Vincent Perez, il incarne toute la hargne rentrée d'un militaire blessé dans son orgueil par la défaite passée. Lui qui a déjà manié l’épée, le sabre ou le fleuret, en tant qu'acteur dans "Le Bossu", "La Reine Margot" ou "Fanfan la Tulipe", n'est nullement dépaysé. Il réussit d'ailleurs à saisir la tension de chacun des combats, donnant à chaque duel une ambiance visuelle propre, grâce à des décors « naturels » savamment repérés. On reste suspendu au sort de ce duo de personnages, libres ou tentant de l'être, face à une société qui enferme la Femme, comme l'Homme, dans des attendus qui empêchent d'aller vers le haut.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur