UN PONT AU-DESSUS DE L'OCÉAN
L'esprit de partage
Issues respectivement de deux cultures autochtones dont le lien d’amitié date d’il y a deux siècles (les Osages d’un côté, les Occitans de l’autre), deux femmes parlent de la menace qui plane sur leurs cultures et leurs langues…
C’est difficile d’y résister : dès l’instant où l’on entend quelques mots en langue occitane, on pense illico presto aux journaux télévisés régionaux des soirées de France 3. Sauf qu’ici, comme pour mieux couper net à ce réflexe expéditif visant à se demander qui serait capable de regarder l’image sans lire les sous-titres face à une langue à ce point peu parlée, le documentaire de Francis Fourcou plonge au cœur de la culture autochtone avec la ferme intention de viser plus large et de toucher du doigt ce qui relève de l’universel. Ce pont symbolique désigné par le titre du film repose en effet sur la découverte d’un partage respectif et très ancien entre les cultures du sud de la France (les Occitans) et amérindiennes (les Osages, récemment remis en lumière grâce au dernier monument filmique de Martin Scorsese et dont l’épisode criminel qui cibla leurs réserves pétrolières durant les années 20 est ici clairement évoqué). Visionner ce documentaire après avoir découvert "Killers of the Flower Moon" sera d’ailleurs bénéfique, tant l’intention reste assez proche : évoquer comment une culture ancestrale, de sa langue jusqu’à ses coutumes, se voit peu à peu soumise à un processus de dévalorisation et d’absorption par une autre culture, tout en étant désireuse de résister par le dialogue et le partage.
Bien plus que les nombreux témoignages historiques sur les viviers occitans et amérindiens, c’est ici la langue elle-même qui devient non seulement enjeu de survie mais aussi enjeu du documentaire lui-même. En effet, bien que l’anglais soit ici la langue la plus entendue, la partie la plus intéressante du documentaire tient dans la propagation tous azimuts de cet effet de passerelle, que ce soit dans une perspective historique (on raconte l’Histoire des Indiens Osages en utilisant l’occitan, par exemple) ou dans la captation de l’apprentissage même des deux langues autochtones (on en découvre pas mal sur les effets respectifs de locution en assistant à quelques cours). Les excursions locales – un musée aveyronnais par-ci, une réserve oklahomienne par-là – appuient la nécessité de conserver les traces de ce qui semble oublié ou ancestral, et de garder intact le désir de pédagogie, constamment par le biais d’un dialogue/échange que le film lui-même entretient et renouvelle d’une scène à l’autre. En soi, le résultat relève autant du pur trip culturel – c’est peu dire que les paysages sont constamment mis en valeur par de magnifiques cadrages à haute teneur picturale – que d’une belle invitation à l’ouverture d’esprit.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur