UN JOUR DE CHANCE
L'Espagne face au chômage
Après avoir remporté deux prix à Venise en 2010, dont celui de la mise en scène pour « Balada triste », le réalisateur espagnol Alex de la Iglesia (« Mes chers voisins », « Le jour de la bête ») a fait son grand retour à Berlin en 2012, en séance de gala, avec une comédie amère, emplie d'un cynisme fort à propos. En effet, son nouveau brûlot ne vise pas uniquement les relations de voisinage ou l'Église, mais avant tout le système économique espagnol qui exclut les travailleurs les plus âgés et fait de moins en moins de cas de la sécurité dite « sociale », dans tous les sens du terme.
Le pitch est donc simple : un homme d'âge mur qui n'a pas réussi à retrouver du travail dans la publicité depuis plus de deux ans, malgré son slogan à succès pour une marque de soda (« La chispa de la vida », c'est-à-dire « L'étincelle de la vie »), cherche à faire plaisir à sa femme en réservant une chambre dans l'hôtel de Cartagena où ils avaient passé leur lune de miel. Embringué au milieu de journalistes dans la visite inaugurale du musée qui supplanta le fameux hôtel, il fera une chute de plusieurs étages et finira la tête empalée sur une tige de fer, armature de béton armé, au beau milieu de ruines romaines.
Si la situation paraît relever initialement du simple accident, elle se révèle vite ubuesque, différents enjeux faisant rapidement surface, au-delà de la simple survie de l'homme en question. Car comment dessouder cet homme de sa tige de fer sans toucher au patrimoine de la nation (les ruines...) ? Comment éviter un scandale médiatique concernant le manque de sécurité du site, alors que les télévisions raffolent de ce genre de faits divers où la vie se joue en direct ? Et surtout comment fructifier ses derniers instants quand ceux-ci valent de l'or ? De la Iglesia poussera alors le bouchon le plus loin possible, avec un cynisme déconcertant qui aurait pu donner l'une des meilleures comédies de ces dernières années.
Malheureusement, le film possède toutes les caractéristiques des purs produits ibériques en termes d'excès : sur-jeu des interprètes et situations exagérées à outrance. Il n'en vise pas moins droit dans le mille en en mettant plein la gueule aux banques, aux médias, au star-system, à la télé-réalité, aux publicitaires et aux politiques. Rien que cela ! En ces temps de crise et du tout image, le cirque médiatico-politique, la valse des faux-culs et des arrivistes, qui sont décrits ici, pourraient presque passer pour réalistes. En faisant tourner la tête au héros (mais pas de sa femme, seule capable de garder les pieds sur terre) le tourbillon qui l'entoure nous entraîne dans des sommets de cynisme, décrivant la famille comme le dernier repli dans ce contexte de crise globale. Quoi que.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur