UN FILS
Une bouleversante chronique tunisienne
Alors qu’ils reviennent d’un pique-nique avec des amis, un couple de tunisiens se retrouve pris sous le feu des islamistes. Leur fils étant gravement touché, ils débarquent à l’hôpital où après quelques complications, le transfert envisagé vers Tunis étant devenu impossible, celui-ci nécessite une greffe de foie…
À partir d’un apparent fait-divers, Mehdi M. Barsaoui, jusque-là assistant réalisateur sur deux films de Kaouther Ben Hania ("Le Challat de Tunis" et "La belle et la meute"), s’empare avec force de thématiques révélatrices des maux de la société tunisienne : tutelle du mari, rapports entre religion et médecine, corruption ou même adultère. Récit d’émancipation, le film débute sur un pique nique où derrière l’insouciance se dévoile déjà l’inquiétude face aux conséquences des élections et à la montée des islamistes. Le drame arrive vite par la suite, convoquant quelques scènes tendues en hôpital, avant de devenir plus intime lorsqu’il s’agit de trouver un foie compatible pour l’enfant.
Sami Bouajila interprète ici, avec fièvre, un père pris dans les contradictions entre son amour pour son fils et sa soudaine méfiance envers une femme dont il découvre de nouvelles facettes. Tandis que Najla Ben Abdallah parvient à incarner une mère rongée par la culpabilité, tentant de retrouver la confiance et de faire entendre raison à ce mari dépassé par cette situation d’urgence. qui s’avère vite prêt à utiliser tous les moyens qui s’offrent à lui pour sauver son fils. En permanence sous tension, ces deux personnages voient leurs dilemmes scrutés par une caméra cherchant en permanence les regards.
Entre interrogations sur moyen légitime et illégitime, c’est autour de la relation de couple, du rapport homme-femme, mais aussi de la relation au droit et à l’autorité, que chacun d’eux se confronte. Découvert au Festival de Venise en 2019, dont Sami Bouajila est reparti avec le prix d'interprétation masculine de section Orizzonti, "Un fils" est un remarquable film à suspense, où le poids que peut avoir la religion chacun, comme sur l’image de la femme, sont au coeur d'un récit qui redessine avec force la notion de parenté.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur