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UN FIL A LA PATTE

Un film de Michel Deville

Du théâtre filmé avec un casting prometteur mais à l’arrivée très décevant

Amant fou de la chanteuse Lucette, Edouard de Bois-d’Enghien se voit pourtant contraint de rompre car il a trouvé une jolie dot pour un mariage qui le sortirait de sa situation financière délicate ! Ajoutons à cela une future belle-mère ambiguë, un prétendant fortuné pour Lucette et un parolier ringard, et c’est parti pour une succession de quiproquos...

Evidemment, Rosalinde Deville (femme de Michel, scénariste et productrice du film) a réécrit de nombreux éléments de la pièce de Feydeau d’origine, tentant de la moderniser un peu, tout en restant fidèle au ton originel, notamment à travers un troisième acte entièrement revu. Mais en partant du principe que la grande majorité des spectateurs ne connaissent pas l’œuvre dont le film est adapté, il faut se rendre à l’évidence : le film opère un malheureux retour en arrière, au temps des premiers films parlant, que Chaplin, Clair et les autres considéraient comme un risque de tomber dans le théâtre filmé le plus plat et le plus grotesque ! Malgré ses tentatives de dynamiser l’histoire avec des mouvements de caméra et l’utilisation du « Faust » de Gounod comme bande sonore, Michel Deville ne parvient malheureusement pas à fuir le huis clos inhérent au théâtre donc à cinématographier Feydeau.

Tout est vain dans cette volonté sous-jacente de moderniser la pièce en l’adaptant au cinéma : les gags anachroniques ne sont pas exploités (dommage car Bonnaffé qui sort un portable de sa poche dans un décor du XIXème et Mathieu Demy qui dit pardon à la caméra, sont les deux détails les plus intéressants et les plus hilarants du film !) et la grande majorité du casting sur-joue de façon théâtrale dans le plus mauvais sens du terme, qu’il s’agisse d’Emmanuelle Béart, Charles Berling, Patrick Timsit, Sara Forestier, Stanislas Merhar, ou Julie Depardieu. Seuls quelques seconds rôles s’en sortent un peu mieux, avec un jeu un peu plus subtil : Jacques Bonnafé surtout (dans le rôle de Fontanet, l’homme qui sent toujours une mauvaise odeur sans se rendre compte qu’il s’agit de son haleine !) mais aussi Mathieu Demy (avec une sorte de laxisme décalé), Dominique Blanc (coquine comme jamais !), Clément Sibony (discret mais sobre et efficace) et Tom Novembre (classe et simple à la fois).

En tout cas, on s’ennuie assez. Le premier acte est d’une platitude à rendre jaloux un chat écrasé, et d’un classicisme tel qu’il rendrait moderne la plus horrible des tapisseries ! Le deuxième acte est un peu plus fringant mais le tournage de certaines scènes d’extérieur ne parvient pas à sortir de cette théâtralité étouffante. Quant au troisième acte, tourné entre un hôtel particulier du Vieux-Lyon et le Studio 24 de Villeurbanne, il semble exploiter un peu mieux l’espace, malgré le confinement et ouvre la voie à un crescendo bien trop tardif dont la conclusion pseudo-décalée sonne malencontreusement creux.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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