UN ENFANT PAS COMME LES AUTRES
Life on Mars ?
Dans son dernier roman paru, « Dracoban », l’écrivain de science-fiction David Gordon raconte l’histoire d’un monde en guerre dont Dracoban est le héros et la victime. Le thème du livre n’est autre que la douleur de la perte des siens et de l’isolement, ce qui fait dire à Gordon que la créature, c’est lui-même. Une séquence d’ « Un enfant pas comme les autres » nous fait assister à une partie du tournage du film « Dracoban » où des comédiens vêtus de costumes ridicules font semblant de se battre devant un décor en carton mal fichu ; désespoir pour Gordon, dont l’ouvrage est pourtant plus intimiste qu’épique. Le décalage qui existe entre l’auteur et le reste du monde – agent, éditeur, lectorat – creuse un fossé qui est précisément celui qu’explore le joli film de Menno Meyjes, scénariste qui travailla avec les plus grands : le fossé séparant la réalité des adultes de l’imaginaire enfantin.
Lorsqu’il visite pour la première fois le foyer géré par Sophie, Gordon – et le spectateur avec lui – aperçoit une boîte en carton négligemment posée sur la pelouse. Le petit Dennis se dissimule sous la boîte, affirmant craindre les effets néfastes du soleil sur sa peau. Plus tard, de retour dans sa grande maison en compagnie du garçon, le père improvisé lui fait découvrir sa chambre et lui dit, pour le rassurer : « imagine que cette pièce est comme ta boîte en carton, en plus grand ». Le monde qui nous entoure est univers sauvage, au-dessus duquel nous jouons les funambules malgré l’absence d’un filet en contrebas.
Gordon a trouvé, dans l’écriture, et plus que cela dans l’invention constante de mondes de science-fiction situés à des années-lumière de la réalité, une protection efficace contre les affres de l’existence et contre les responsabilités qui les accompagnent. Dennis n’est pas bien différent de lui – il croit venir d’une autre planète, quand Gordon écrit sur des mondes interstellaires – qui s’est érigé une véritable armure affective qui lui a permis de surmonter l’abandon de ses parents. Nous sommes tous, enfants, enfermés dans des boîtes en carton. Et certains parviennent à s’en extraire, d’autre pas.
La simplicité et la qualité de l’écriture font d’ « Un enfant pas comme les autres » un très beau film sur les rapports des adultes et des enfants, du réel et de l’imaginaire. Un film juste, surtout. Malheureusement un peu trop conventionnel – c’est là sa limite, qui n’autorise pas vraiment de transgressions ou d’originalités – bien que réussi dans sa construction. Mais ce sont surtout les relations entre les personnages qui toucheront les cœurs : elles sont à l’image de l’histoire naissante entre un John Cusack toujours excellent et une merveilleuse Amanda Peet, amie de sa femme décédée, c’est-à-dire subtiles et touchantes.
Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur