UN CRIMEN COMUN
Sentiment de culpabilité
Cecilia, une professeure en sociologie tentant d’obtenir un nouveau poste, voit un soir d’orage, alors que son fils est chez son père, Kevin, le fils de sa gouvernante, frapper urgemment à sa porte et ses fenêtres. Effrayée, elle ne lui ouvre pas. Peu de temps après, celui-ci est retrouvé mort…
Les frères Dardenne s’étaient déjà attaqués au même sujet : l’assistance à personne en danger, et sa limite avec la sphère privée. Dans "La fille inconnue", ils mettaient Adèle Haenel, jeune médecin ne comptant pas ses heures, face au même dilemme : ouvrir ou ne pas ouvrir sa porte, cette fois à une personne qu’elle supposait être un patient. À la nouvelle de la disparition d’une jeune migrante, sa vie allait basculer, la recherche de cette femme devenant une obsession concrétisant son sentiment de culpabilité. Francisco Márquez fait emprunter le même chemin à son personnage principal, Cecilia, professeure posée ayant un fils, effrayée à l’idée d’ouvrir au fils de sa gouvernante, venu tambouriner chez elle avant de se faire tuer, probablement par la police.
Jeu d’apparences, "Un Crimen Comun" souligne discrètement la mauvaise réputation du garçon, à peine aperçu alors qu’il vient récupérer une table de chevet pour sa mère, affiche clairement les pressions policières (jamais montrées mais suggérées par les manifestations), et donne à voir la différence entre les quartiers, aisé pour la professeure, jugé dangereux pour la gouvernante (le VTC n’ira pas au-delà d’une certaine limite lorsque Cecilia voudra présenter ses condoléances...). En restant centrée sur ce personnage féminin, la mise en scène affirme son dilemme, comme notamment lors de son premier appel à la mère du défunt, filmé entre deux reflets de miroirs orientés différemment, montrant ainsi son ambivalence.
Tournant par moment au film de genre, le personnage évoluant la peur au ventre même dans sa propre maison, alors qu’un vent intense souffle à l'extérieur ou que d’étranges bruits se font entendre, ou donnant le tournis lorsque celle-ci se perd dans les rues étroites mais colorées du quartier de la gouvernante, "Un Crimen Comun" affine son ambiance étouffante sur la durée, livrant une vision incisive des différences de classes, jusqu’à un des derniers plans des plus symboliques, précèdent un final qui boucle avec l’étrange générique de début.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur