L'UN CONTRE L'AUTRE
Malaise d’un couple, malaise du spectateur
Georg Hoffman est policier. Lors d’une intervention, il sauve son collègue et gagne des galons. Anne, sa séduisante femme, institutrice, ne supporte pourtant plus son mari. Excédée, elle aura des mots puis des gestes forts à son encontre… sans que ce dernier ne lève le petit doigt…
Le titre français donné à "Gengenüber" met en lumière avec brio les deux volets qui s’affrontent dans ce film allemand. D’un côté, « l’un contre l’autre » réfère à l’étreinte et à l’union de deux êtres qui s’aiment et que rien ne pourrait séparer. De l’autre côté, « l’un contre l’autre » renvoie aussi au combat, à la rivalité entre deux personnes que tout pourrait opposé. Ce film c’est tout cela à la fois.
Georg, le mari, flic la journée, est vu comme un héros aux yeux de ses collègues (ses états de service et sa situation maritale semblent forcer le respect). Mais sous les apparences, Georg, marié à Anne, est en fait la proie de son épouse. Celle-ci est depuis quelques années excédée par sa faiblesse et sa médiocrité et riposte par la violence. Une violence pourtant que le mari pardonne, signe de lâcheté aux yeux de sa femme qui s’emporte encore plus violemment !
C’est donc un portrait noir de couple qui nous est donné à voir. Un portrait différent de ce qui nous a été proposé au cinéma jusqu’à présent. Jan Bonny, dans son premier long-métrage, examine les relations tendues, bascule l’ambiance de son film dans un gris sombre et intevertit les rôles du violent (la femme) et du violenté (l’homme). Une vision qui bouscule le spectateur pendant les trois quarts du film, le met mal à l’aise et le questionne.
Y’a-t-il un schéma du couple ? L’homme est-il forcément celui qui choisit, prend les décisions et s’affirme ? La femme n’est-elle destinée qu’à la cuisine et qu’à obéir aux bons vouloirs de son époux ? Que se passe-t-il quand le rapport dominant/dominé est bouleversé ? Faut-il répondre par la violence quand on est soi-même agressé ? Jusqu’où la folie peut nous conduire ?
« Ce n’est pas un drame » dit souvent Georg à sa femme pour la calmer. Certes, mais le film, lui, en est un. Assez réussi.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur