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UN 22 JUILLET

Un film de Paul Greengrass

Le visage de l’horreur absolue ?

Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik, un ultranationaliste chrétien, dépose une bombe dans le quartier gouvernemental d’Oslo puis part sur l’île d’Utøya pour massacrer les participants d’un camp de jeunes sympathisants du Parti travailliste au pouvoir en Norvège…

Un 22 juillet film image

Sortie le 10 octobre 2018 sur Netflix

Sept ans après cette retentissante tragédie, deux films reviennent sur les évènements qui ont choqué le monde entier. Alors que le Norvégien Erik Poppe livre sa version sous le titre "Utøya 22 juillet", le Britannique Paul Greengrass (déjà rodé à la reconstitution d’événements-chocs avec "Bloody Sunday" et "Vol 93") s’empare de cet effroyable attentat dans "Un 22 juillet", présenté dans plusieurs festivals dont Venise et Toronto puis distribué directement sur Netflix.

Alors qu’Erik Poppe a choisi le temps réel pour plonger les spectateurs dans l’horreur de l’attaque d’Utøya en ne montrant que très peu le tueur, Paul Greengrass fait presque l’inverse, compressant les faits qui ont eu lieu sur l’île et donnant une place prépondérante au terroriste. D’un côté, on pourrait l’accuser de ne pas respecter la souffrance des victimes et la perception des survivants durant l’attaque ; de l’autre, on peut le remercier de ne pas avoir eu la tentation d’en faire un film d’action bourré d’adrénaline (on regrettera quand même la scène de poursuite avec la motoneige qui donne l’impression que le réalisateur n’a pas totalement pu se passer d’une scène d’action gratuite !).

Greengrass opte donc pour une mise en scène plutôt sobre et pour une quadruple focalisation, en privilégiant le parcours de protagonistes inspirés de personnes réelles : le terroriste (Anders Behring Breivik), un jeune survivant gravement blessé (Viljar Hanssen), l’avocat du tueur (Geir Lippestad) et le Premier ministre norvégien (Jens Stoltenberg). S’il se concentre plus sur Breivik et sur le jeune Viljar, les scènes concernant l’avocat et le dirigeant politique en font clairement des personnages principaux et permettent de montrer les tiraillements politiques et personnels dans lesquels ont été plongés certains acteurs de la société norvégienne, bousculés dans leurs convictions et dans leurs décisions.

Une fois les scènes d’attentat terminées, Greengrass s’attache ainsi à montrer les conséquences individuelles et collectives de cet événement. En oscillant entre ces quatre personnages, il met en avant la difficile cicatrisation d’une démocratie qui vacille à cause d’un seul homme. Le film s’attarde donc beaucoup sur cet être froid, provocateur et jusqu’au-boutiste (interprété avec une glaciale minutie par Anders Danielsen Lie) qui refuse lui-même de plaider la folie pour assumer ouvertement la « mission » dont il se sent investi au nom d’une idéologie néo-nazie revendiquée.

Si le choix de la langue anglaise semble regrettable (d’autant que plusieurs interprètes le parlent avec un accent scandinave qui fait penser aux ridicules accents russes de films américains comme "À la poursuite d’Octobre rouge"), cet idiome devient quand même pertinent en conférant au film une valeur universelle. En effet, en ces temps où la tendance générale est à la peur de l’islam radical, il était sans doute indispensable de rappeler que l’un des pires assassinats massifs de ce siècle a été perpétré par un homme revendiquant la défense d’une Europe chrétienne purifiée ! Rien que pour cela, ce film est nécessaire.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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