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UGLY

Un film de Anurag Kashyap

On ne peut faire confiance à personne

À Bombay, Rahul, un trentenaire rêvant de percer dans le cinéma, passe prendre sa fille de 10 ans, Kali, chez son ex-femme qui s'est remariée avec le responsable de la police Municipale et qui a des pulsions suicidaires. Avant de passer du temps avec sa fille, il doit passer un casting dans le centre de la ville. Il laisse donc sa fille dans la voiture le temps de faire son audition. À son retour, la petite a disparu…

À peine un an après "Gangs of Wasseypur", sa fresque mafieuse indienne de 5 heures présentée à la Quinzaine des réalisateurs 2012, Anurap Kayshap est à nouveau convié par Charles Waintrop pour présenter son nouveau polar lors l'édition 2013. Une fois de plus, le cinéma de l'Indien se rapproche plus des canons américains, voire coréens, que ceux de Bollywood.

Pour "Ugly", le parallèle avec le ton cynique des polars coréens tels que "Memories of Murder", "Mother" ou même "The Chaser", est assez évident. Chez Kashyap comme chez Bong ou Hong, les forces de l'ordre sont allégrement tournées en dérision (la séquence du dépôt de plainte au commissariat en est le parfait exemple). Tout comme dans le cinéma coréen, ces séquences contrastent et désamorcent le côté ignoble des sujets abordés et sont également utilisées pour tacler le système. Ici, une fillette disparait à cause de la négligence de son père plus occupé à passer des castings foireux qu'à faire attention à sa gamine. Encombrante pour la performance du papa, la petite est laissée dans la voiture et a naturellement disparu à son retour.

Le film démarre quasi-instantanément sur les chapeaux de roues, enchaine les courses-poursuites inopinées, les interrogatoires musclés, les retournements de situations. À chacune de ces séquences, Kashyap enfonce le clou, expose un Bombay crapuleux, loin de clichés bollywoodiens mais également loin du misérabilisme souvent utilisé pour dépeindre les plus démunis du pays. On touche ici à la classe moyenne, cherchant constamment la réussite et l'argent facile quitte à tirer son entourage vers le fond. Au fur et à mesure, le coté pernicieux et cupide de chaque personnage se révèle. Les accusations fusent, chacun s'accuse ou tente de se dédouaner voire même d'extorquer quelques roupies, peu importe si la petite demeure introuvable. Dans ce récit tortueux multipliant les fausses pistes, les ruptures de narration, le spectateur se sent balloté. On y ressent une maîtrise certaine mais également un profond chaos chahutant la compréhension des diverses motivations d'une galerie constellaire de personnages qui est parfois difficile à cartographier dans son esprit tant le rythme du film conserve une vitesse de croisière proche d'une Porsche 917 en plein 24h du Mans.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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