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LE TUEUR

Un film de Cédric Anger

Silence, j’attends…

Léo Zimmerman (Gilbert Melki) semble quelque peu tendu en cette fin de mois de décembre… Rien à voir avec le stress des fêtes de fin d’année, Zimmerman se sent épié et sait qu’un contrat a été signé sur sa vie. Dimitri Kopas (Grégoire Colin) est le tueur chargé d’exécuter ce contrat… Après le jeu du chat et de la souris, Zimmerman proposera à Kopas un étrange marché: attendre quelques jours avant de le tuer pour pouvoir régler ses affaires privées...

Cédric Anger signe un premier long-métrage en forme d’hommage aux polars de Melville. Il filme la rencontre entre deux hommes que tout oppose : l’un opulent, attaché à sa fille, anxieux au bord de l’explosion mentale ; l’autre sec, sans port d’attache, traînant dans les chambres d’hôtels, calme et serein comme avant une tempête.

Anger brosse leur portrait psychologique dans une première partie qui ne dit rien mais avoue tout… En effet, le spectateur comprend vite que Zimmerman est la cible et Kopas le tueur. En revanche, on se demande bien pourquoi ? Qu’a Melki à se reprocher ? Qui est à l’origine de ce contrat ? Des questions desquelles Anger s’écarte religieusement pendant les trois-quarts de son film pour se concentrer sur ses deux principaux personnages. On suit ainsi l’un ou l’autre, puis l’autre et l’un dans une ambiance melvillienne où la solitude, le mystère et les silences sont d’or.

D’amusantes scènes se succèdent où Gilbert Melki voit des assassins partout : un inconnu dans l’ascenseur, un nouveau chauffeur de taxi, un client dans un magasin, un conducteur qui semble le suivre… Toute anomalie du quotidien, tout bruit suspect, devient pour Zimmerman un angoissant couperet final, qu’il ne semble anesthésier que grâce aux drogues qu’il prend dans les sous-sols glauques de la capitale.

Pendant ce temps le tueur prend ses marques, suit sa victime et prend son temps. Les journées de Kopas sont faites d’attente en voiture, de télé, d’attente en voiture, de jeux vidéo et d’attente en voiture. Grégoire Colin joue impeccablement ce méchant aux allures de monsieur tout le monde. Sa dégaine de cowboy maladroit et son jeune âge en feraient presque un branleur shooté au pét’ matin et soir, mais c’était sans compter sur sa forme athlétique et son gros calibre qui le suit partout.

La deuxième partie laisse place à un étrange deal passé entre les deux protagonistes qui les liera jusqu’à la fin du film. Un personnage féminin fera aussi son apparition: Mélanie Laurent dans un rôle aussi inutile qu’inintéressant et dont l’épaisseur ne dépasse pas celle d’un drap. En même temps, c’est là où on la verra constamment : dans de beaux draps, puisque toujours au lit avec Grégoire Colin à l’hôtel ! Un rôle-potiche pour Mélanie Laurent, soit une insulte suprême à son immense talent.

Dans cette partie, Anger frôle le soporifique, continuant sur le registre de l’économie des dialogues et adoptant une mise en scène, certes calme et sans fioritures, mais bien trop plate pour maintenir éveillé et intéresser le spectateur.

Enfin, passée la surprise du final, l’action (le mot est fort) se déroule sous nos yeux peu ébahis de la même manière que le film s’est déroulé tout du long : dans un grand silence monacal… et se termine le jour de la naissance de Jésus, où la mort apparaît enfin…

« Le tueur » est donc un beau film d’ambiance, mais qui peine à imposer sa tension dramatique de bout en bout, la faute à un scénario qui manque de piment entre l’installation des deux personnages principaux et la révélation finale…

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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