TRUTH : LE PRIX DE LA VÉRITÉ
Un sujet complexe et passionnant, écrasé par une forme archétypale digne d’une série judiciaire d’antan
Après avoir fait ses preuves comme scénariste, notamment sur les "Amazing Spiderman" et le "Zodiac" de David Fincher, James Vanderbilt a décidé de passer derrière la caméra pour la première fois afin d’apporter son point de vue sur une affaire politico-médiatique ayant défrayé la chronique. En effet, en septembre 2004, en pleine course pour briguer un second mandat, le Président George W. Bush est accusé par les journalistes du célèbre magazine d’investigation « 60 minutes » d’avoir menti sur son service militaire, crime de lèse-majesté envers le peuple américain pour lequel on ne rigole pas avec l’armée. Suite à une enquête de plusieurs mois, l’émission affirme ainsi détenir la preuve que l’homme politique avait usé de ses contacts pour éviter d’être envoyé au Vietnam, et se contenter d’une position bien plus sûre au sein de la Garde Nationale du Texas.
Sauf que rapidement des doutes vont être émis sur ces soi-disant documents authentiques, remettant ainsi en cause le professionnalisme des journalistes. De construction classique, le film suit le déroulé chronologique de l’affaire du côté de la productrice du show, Mary Mapes (Cate Blanchett, impériale), en commençant par les recherches jusqu’aux différentes attaques et pressions subies. Malheureusement, n’est pas "Spotlight" qui veut et seule la présence au casting de Robert Redford nous renvoie à la qualité de l’institution du genre, "Les hommes du Président" d’Alan J. Pakula. Car à multiplier les ellipses et à transformer cette course à la vérité en une vision romantique de la profession où les différents coups de téléphones s’accompagnent de musique ronflante, le métrage perd toute sa tension dramatique.
Si on pensait que l’accident scénaristique était inéluctable au bout de cette pente glissante, "Truth : Le prix de la vérité" s’avère bien plus intéressant dans sa deuxième partie, celle où il est question des collusions entre la sphère politique et médiatique, les différentes pressions subies par des rédacteurs appartenant à des chaînes, elles-mêmes propriétés de multinationales. Les intérêts de chacun se mêlent et se démêlent alors dans les méandres de cet imbroglio fascinant dans sa propension à édifier un portrait du journalisme à l’avènement de l’ère 2.0. Disséquant comment le fond de l’histoire (le service militaire de George Bush) est oublié au profit d’un procès à charge contre la productrice de l’émission, ce drame académique a le mérite d’énoncer plusieurs questions. Dommage qu’il ne cherche à répondre à aucune…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur