TROMPERIE
Élégant et pudique, un vibrant hommage au métier de comédien
Philip, un écrivain à succès, aime raconter les femmes de sa vie dans ses différents ouvrages. Dans son bureau de Londres, il accueille fréquemment sa nouvelle maîtresse. Si les amants en profitent pour se retrouver intimement, ces réunions interdites sont également l’occasion de débattre durant des heures pour questionner leur existence…
Arnaud Desplechin a toujours été un admirateur du travail de Philip Roth, le citant comme une référence depuis de nombreuses années. Pour son retour au Festival de Cannes, hors compétition cette fois, dans la toute nouvelle section Premières, le cinéaste de "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)" et "Les Fantômes d’Ismaël" a enfin réussi à adapter un de ses ouvrages, le méconnu "Tromperie", carnet autobiographique dans lequel l’écrivain américain contait son rapport aux différentes femmes de sa vie. Sa version s’ouvre sur Léa Seydoux, au cœur d’un théâtre parisien, nous invitant à pénétrer dans l’œuvre, à accepter le temps d’un instant les règles de la fiction, de s’abandonner à son pouvoir. Car ce film est avant tout un jeu, un pacte tacite entre le spectateur et le réalisateur, où les invraisemblances (les personnages gardent leur nationalité anglo-saxonne ou américaine mais s’expriment dans un français distingué) n’ont que peu d’importance, tout n’est que mirage, tout n’est qu’artifice.
Comme le roman, l’intrigue suit Philip, un auteur qui aime recevoir dans son bureau londonien sa maîtresse. Si leurs ébats drapent leurs journées, ces moments d’intimité sont également l’occasion de discuter de tout et de rien, de débattre de la sexualité, de la société, de religion, ou encore de notre rapport au temps et à la mort. Sublime et épuré, le métrage est une démonstration érotique par la parole, où le corps n’a pas besoin d’être nu pour aguicher et faire fantasmer. Jamais Denis Podalydès n’avait été aussi sexy, jamais la grâce de Léa Seydoux n’avait donné autant de sens à un personnage complexe, aussi bien timide que femme fatale.
Si le dispositif d’apparence simpliste, avec ses décors minimalistes et sa caméra statique, implique une certaine exigence du public, l’intensité des dialogues crée une œuvre fiévreuse, sensuelle et onirique. À l’image de cette scène où Léa Seydoux récite les yeux fermés tous les éléments qui habillent la pièce, chaque détail a son importance dans le récit, chaque variation de lumière témoigne d’une évolution. Bien moins ambitieux sur le papier que les précédentes réalisations d’Arnaud Desplechin, "Tromperie" est peut-être son œuvre la plus aboutie, la conscience parfaite de son mécanisme et de sa théâtralité plongeant le spectateur dans une « calme tempête » d’émotions.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
COMMENTAIRES
samedi 29 janvier - 11h31
J'ai beaucoup aimé leurs dialogues Lea et Denis pas du tout vulgaires