TRISTAN
De fausses pistes pour une fausse histoire : Harrel joue intelligemment avec le désir du spectateur
Une femme, commissaire de police (Mathilde Seigner), est chargée d’une affaire de réseau de prostitution bulgare, dans laquelle elle piétine, faute de pouvoir obtenir le témoignage d’une pute de ses amies. Au hasard d’un fait divers, elle pense entrevoir la piste d’un serial-killer qui pousse ses victimes à se suicider par amour, leur offrant un exemplaire de ‘Tristan et Iseult’, symbole d’un amour courtois, mais impossible. S’ouvre alors une deuxième affaire…
Nous ayant depuis quelques années habitué à quelques comédies plutôt désespérées ('Le vélo de Ghislain Lambert', 'Les randonneurs'), on est d'autant plus surpris de retrouver Philippe Harrel dans le registre du film policier. Mais son 'Tristan' n'est qu'un prétexte pour dépeindre le portrait d'une femme forte, moderne, des plus indépendantes, et pour jouer avec le désir d'un spectateur, toujours en quête de sens et de schéma souvent prédéfinis.
Hors, ici, rien de clair. Tous les points de repères classiques du film policier sont petit à petit détournés ou semblent biaisés. Ainsi, la " profileuse " Nicole Garcia, qui sur-joue délicieusement, apparaît rapidement comme risible, car simpliste et incapable de faire plus de déductions surprenantes que vous et moi. Elle emmènera le spectateur, la commissaire, dans leur fantasme, celui de ce criminel impossible qu'est sensé être Tristan, celui de cette intrigue trop emplie de coïncidences souvent énormes pour être réelle et logique.
Ceux qui prendront le film comme un polar classique, n'y verront qu'incohérences et pourront même en rire. Ceux qui préfèreront s'en détacher, réfléchir à leur propre désir de voir un coupable se dégager de cette masse d'informations, y trouveront alors un exercice de style où chaque instant vous dit 'ça n'est pas possible', et où pourtant on veut y croire, y trouver un sens, qui n'existe peut-être que dans notre imagination.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur