Festival Que du feu 2024 encart

TREMBLEMENTS

Un film de Jayro Bustamante

Un brûlot percutant contre le harcèlement religieux

Guatemala. Pablo, marié, plusieurs enfants, vient d’informer sa famille qu’il compte s’installer avec son amant et donc quitter sa femme. Convoquant un conseil de famille, ses parents, ses frère et soeur, sa femme, son beau frère, vont tout tenter pour le faire revenir dans le droit chemin, quitte à menacer sa réputation et à lui refuser tout contact avec ses enfants…

Tremblements film image

Le film guatémaltèque "Tremblements" fut sans doute l'une des œuvres les plus marquantes du 69è Festival de Berlin. Présenté dans la section Panorama, ce second long de Jayro Bustamante ("Ixcanul") se focalise sur un homme d'une quarantaine d'années, refusant initialement de nier publiquement qu'il a une relation avec un homme, et s’ouvre sur une scène d’emblée oppressante, l’homme arrivant dans un lieu clos, où sont rassemblés tous ses proches, affirmant qu’il « détruit », parlant « d’épreuve » à surmonter, conseillant de mentir ou nier le faits, et voyant le tremblement de terre comme une punition divine. Le personnage s’échappant pour rejoindre son amant dans un bar, le spectateur peut alors reprendre son souffle, le film se construisant par la suite à l’image d’une nage de fond, offrant de rares respirations au fil d’un calvaire annoncé.

Montrant une à une toutes les stratégies mises en place par son entourage, au nom de la famille, du salut ou de la réputation, pour lui faire admettre son erreur et reprendre une vie « normale », le scénario n’hésite pas à montrer les pires pratiques, d’accusation, intimidation, castration, lavage de cerveau… Il épingle aussi patiemment l’hypocrisie d’une église plus intéressée par le porte monnaie de ses ouailles (le passage de la carte bleue sans contact pour la quête…) que par un véritable contact avec leur âme. Tandis que la mise en scène de Jayro Bustamante, qui s’est inspiré ici de plusieurs personnes réelles pour former son personnage, use brillamment de travellings avant et arrière pour montrer l’hésitation de l’homme, notamment en des lieux qu’il considère comme sacré.

Doté d’une une photographie superbe, imprimant une teinte très sombre au récit, ce long métrage, au casting parfaitement choisi, provoque d'abord inquiétude avant de convoquer une peur plus viscérale. Esquissant malgré tout des touches de romantisme (le beau cadeau fait à Pablo pour son anniversaire…) mais aussi d’émotion autour de l’amour filial (la petite fille qui vole du parfum parce que celui de son père lui manque...), "Tremblements" enferme peu à peu son personnage principal dans des ténèbres incarnées à l'écran par le cadre comme la photo, alors que la pression de la religion et des proches devient de plus en plus pesante. Un film suffocant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire