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LE TRANSPORTEUR : HÉRITAGE

Un film de Camille Delamarre

Le meilleur opus de la saga

La mafia russe impose sa force et sa violence pour dominer le marché de la prostitution sur la Côte d’Azur. Un jour, trois de ces prostituées se lancent dans une vendetta personnelle pour faire tomber cet horrible système, en dévalisant des banques, en vidant les comptes des dirigeants de cette mafia et en éliminant la plupart de ses chefs. Mais pour atteindre enfin celui qui contrôle tout, il leur faut de l’aide. C’est là que Frank Martin, ancien mercenaire des forces spéciales reconverti dans le transport de colis top secrets, va rentrer malgré lui dans la partie et se retrouver au milieu d’une guerre sans pitié…

Petite surprise pour démarrer : dans ce quatrième épisode de la saga d’action la plus sympathique que les usines Luc Besson aient pu pondre, il va être question des "Trois Mousquetaires". Comment cela, exactement ? Disons que le livre le plus célèbre d’Alexandre Dumas va servir de sous-texte symbolique pour donner un semblant de relief à l’association téméraire de trois prostituées – avec une quatrième qui agit dans l’ombre – ici engagées de plein fouet dans une vendetta impitoyable contre la mafia russe qui les a trop longtemps exploitées et détruites… Celle-là, on avouera qu’on ne l’avait pas sentie venir, surtout dans une saga aussi débile que fun qui s’est surtout caractérisée jusque-là par le concept le plus bêta de l’univers (en gros, c’est un mec qui transporte des trucs), et encore plus lorsqu’il s’agit de relire – comme à chaque fois – la liste des ingrédients racoleurs du cinoche d’action labellisé EuropaCorp, histoire de vérifier que rien ne manque à l’appel. Et en effet, c’est peu dire que les cases à cocher vont se noircir les unes après les autres.

Un scénario Post-It torché sur un coin de table par un Besson encore moins inspiré qu’un scénariste de la Cannon : check ! Un tâcheron anonyme que Besson catapulte comme réalisateur en lui demandant de décliner une mise en scène de pubard et de laisser le découpage à une équipe technique qui n’y capte rien : check ! Un bourrin monolithique en costume Armani qui n’arrête pas de dire qu’il vit selon des règles strictes alors qu’il passe son temps à les enfreindre : check ! De la baston violente qui fait de jolis dégâts partout sauf sur le costard du héros : check ! Des vilains très vilains, caricaturaux, mal rasés et cons comme des robinets : check ! Un gros black qui se fait défragmenter la tronche : check ! Des bagnoles qui roulent super vite, mais que l’on filme au ralenti – ou en accéléré – en train de faire des cascades invraisemblables : check ! Du rap de supermarché et de la techno faisandée pour dynamiser un peu des scènes où il ne se passe rien : check ! Des bombes sexuelles en tenue – très – légère, en général jouées par des inconnues pêchées en Europe de l’Est, qui ne sont là que pour satisfaire les regards vicieux de spectateurs qu’EuropaCorp imagine sans doute beaufs et misogynes : check !

Pour un film qui tente en filigrane de dénoncer l’exploitation odieuse des femmes dans un contexte de prostitution, ce dernier détail a le don de nous faire hurler de rire. Mais cela dit, hormis un T-shirt de cynisme crado que ce cher Luc n’a visiblement toujours pas envie de laver à la machine, on peut clairement considérer ce quatrième opus comme le plus réussi de la saga. D’abord parce que Camille Delamarre, déjà connu pour avoir photocopié le débile "Banlieue 13" contre un gros chèque (ça s’appelait "Brick Mansions"), trouve ici le juste équilibre entre la décontraction foutraque des opus 1 et 2 – signés Louis Leterrier – et le premier degré hors-sujet de l’opus 3 – que l’on devait au charcutier Olivier Megaton. De son côté, le jeunot Ed Skrein – remplaçant au pied levé un Jason Statham devenu trop gourmand au niveau financier – assure comme une bête dans les scènes d’action (mention spéciale à la baston des « tiroirs », amusante et inventive), tout en moulinant de la punchline top classe et en adoptant des postures de mannequin La Redoute.

Et enfin, afin d’étirer au maximum son histoire-confetti pour aboutir à un montage final d’au moins 90 minutes, Besson blinde non-stop son script de péripéties diverses qui interdisent toute pause pipi, et n’hésite pas à remplir les trous avec des discussions aussi creuses qu’involontairement hilarantes sur le pâté de canard, le poulet basquaise, les machines Nespresso, les vertus médicales des toiles d’araignée ou l’industrie spatiale dans les Pyrénées ! Peut-être qu’après tout, la qualité d’une bonne péloche d’action made in EuropaCorp ne se mesure qu’à ça : un scénario d’une bêtise insensée, qui assume malgré lui son néant thématique et sa lourdeur surexposée pour ainsi mieux partir dans le second degré le plus inattendu, le tout torché en cinquième vitesse par un exécutant qui boit son Coca-Cola pendant que la caméra tourne. Allez Luc, passe la cinquième !

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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