Festival Que du feu 2024 encart

TOXICILY

La juxtaposition comme image efficace

La raffinerie d’Augusta, au Nord de Syracuse en Sicile, est l’un des plus grands ensembles pétrochimiques d’Europe. Depuis 1949, elle empoisonne l’environnement et les populations locales, pour certaines employées sur place. Malgré le silence qui a longtemps régné autour de la pollution au mercure, l’enfouissement illégal de déchets, ou les maladies et la mortalité infantile, des voix s’élèvent peu à peu, refusant d’abandonner ce territoire au pouvoir des multinationales…

C’est un exercice de courage et de dénonciation que semble constituer "Toxicily", documentaire engagé sur les conséquences de la pollution liée à un complexe pétrochimique créé en 1949 et exploité depuis par différentes multinationales. Un site qui semble, comme le disent les cartons de fin, bénéficier d’une inaction des pouvoirs publics depuis des décennies, malgré toutes les lois environnementales. Si on ne peut en conséquence qu’adhérer aux doutes émis par les différents témoins, plus ou moins masqués, dénonçant la collusion entre entreprises, élus locaux, mafia et magistrature, le documentaire, au-delà de quelques images de reportages (comme sur la destruction de maisons et vergers), se concentre surtout sur leur parole, enfin libérée, montrant les lieux d’enfouissement de déchets, de pêche de poissons difformes, d’enterrement des bébés atteints de malformations et pour certains décédés sous à peine 3 jours.

Doté d’une sublime affiche dessinée, sur laquelle se dégage un squelette de flamant rose, le film ne cache pas les rancœurs et l’ardent désir de justice, la cause semblant agréger de plus en plus de gens, comme le suggère la conclusion dans un amphithéâtre extérieur. Les réalisateurs quant à eux jouent avant tout de la juxtaposition de l’usine avec son environnement ou de sa mise en perspextive. Un dispositif évocateur des plus efficaces, où baigneurs et parasols apparaissent dans un panoramique qui se termine avec la multitude de structures de l’usine, où des femmes étendent du linge à leurs balcons alors que deux immenses cheminées s’affichent dans l’axe, où encore des eaux cristallines apparaissent au premier plan, l’usine en fond.

Au fil du métrage, c’est une jeune fille atteinte d’une maladie, une femme ayant suivi la leucémie de son père, un homme ayant perdu son bébé dont il n’a jamais trouvé la tombe, une communauté révoltée, qui se plaignent d’être considérés eux-mêmes comme des déchets et expriment surtout l’éternelle aliénation à l’économie. Décrit ici comme une « pollution mentale », qui prend ses racines dans la croyance que l’usine aurait été une sorte de « famille », mais aussi dans le manque d’emplois locaux, ce mal est assez bien résumé par l’un des témoins : « tu finis là-dedans ou tu te barres ». Alors à quand la dépollution de ces territoires, devenus SIN (Site d’Intérêt National) en 1998, il y a donc presque 25 ans ? La question est désormais publiquement posée, comme elle l’est malheureusement dans bien d’autres endroits.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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