TOUT POUR ÊTRE HEUREUX
Une comédie surprenante, aussi cocasse qu’émouvante
En 2007, Cyril Gelblat nous livrait son premier film, "Les Murs porteurs", une œuvre très personnelle et sensible sur les thématiques de la transmission et de l’héritage familial. Presque dix ans plus tard, le réalisateur revient avec un sujet semblable, quoique traitant plus frontalement la question de la parentalité. Car, entre temps, l’homme est devenu père et son cinéma s’en ressent nécessairement, évoquant les doutes et les transformations d’un foyer après l’arrivée de deux petits bouts d’choux. Dans "Tout pour être heureux", la caméra suit ainsi Antoine, un papa dépassé et un mari imparfait qui décide de tout plaquer à l’aube de ses quarante ans. Mais cela était sans compter sur son ex-épouse qui, par surprise, va lui laisser leurs deux filles pour deux semaines.
Et dès les premières minutes du métrage, un sentiment d’originalité souffle sur ce couple dysfonctionnel, sur cette reconstruction libératrice d’un homme au fur et à mesure que la lassitude s’invite dans son foyer. Douce et amère, cette comédie incroyablement bien écrite vaut autant pour ses situations dépeintes avec bienveillance et justesse que pour ses dialogues savoureux. Surtout, alors que ce type de comédie générationnelle pour les plus de trente ans a tendance à rendre lisible très rapidement leur dénouement, le film de Cyril Gelblat ne cesse de surprendre, en particulier dans sa dernière ligne droite. Transformer la traditionnelle figure du copain un peu lourd, compagnon de la crise existentielle du protagoniste, en une sœur pragmatique et protectrice peut paraître anodin, mais ce simple postulat permet d’offrir un point de vue inédit sur cette comédie de mœurs.
Toutefois, la réussite de l’ensemble doit également beaucoup aux petites épaules du frêle Manu Payet. Avec son visage juvénile et son passé de joyeux luron, il était presque difficile de l’imaginer en père (bien qu’il ait 40 ans en réalité). Pourtant, l’évidence s’impose immédiatement : après "Un début prometteur", le comédien excelle désormais dans ce registre tragi-comique. Et c’est ainsi que progressivement l’émotion vient s’inviter dans le récit, titillant nos glandes lacrymales après avoir bien détendu nos zygomatiques. Cyril Gelblat est un cinéaste rare, ses films semblent suivre le même parcours, s’inscrivant définitivement dans une singularité réjouissante.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur