TOUS LES DIEUX DU CIEL
Ce film n’est pas un film fantastique
Enfants, Simon et Estelle ont joué avec une arme à feu et Estelle s’est tirée une balle dans la tête. Adultes, Simon vit reclus dans l’ancienne ferme de ses parents, où il s’occupe d’Estelle qui est défigurée et lourdement handicapée. Refusant toutes les intrusions du monde extérieur et l’aide qui pourrait lui être apportée, Simon, persuadé qu’une catastrophe imminente va arriver, attend en regardant le ciel…
Quand Quarxx se lance dans "Un ciel bleu presque parfait", son moyen métrage, il avait déjà le projet d’un long. Ce film était d’ailleurs le résultat d’un long réduit à sa plus pure essence, à toute sa noirceur, une sorte de carte de visite pour pouvoir ensuite réussir à faire financer un long.
Ainsi, dans "Tous les dieux du ciel", Quarxx reprend le travail déjà abattu dans le moyen métrage et étoffe un peu les personnages. Pour le casting, il fait appel à Jean-Luc Couchard, qui dans le film donne corps à l’expression, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Il fait également appel à l’unique Mélanie Gaydos. La mannequin underground au faciès si particulier, mutique et quasi-immobile pendant tout le film, défigurée par une cicatrice, est très impressionnante.
Si son visage est déstabilisant, c’est surtout le fait qu’elle soit très régulièrement montrée seins nus, voire complètement nue, qui crée le sentiment de malaise. En effet, son handicap semble la bloquer dans l’enfance et c’est de cette manière que son frère Simon la traite. Pourtant, elle a un corps de femme, et d’une certaine manière, des désirs de femmes. Cette pente glissante conduit à une scène de viol terrible. On doit à Quarxx le courage d’avoir abordé ce sujet tabou qu’est la sexualité des handicapés. Il le fait d’une manière glaçante, mais il le fait quand même.
Jean-Luc Couchard est Simon. C’est un homme simple, seul, paranoïaque, qui rêve d’un monde meilleur. Bien qu’il essaie de la refouler, la culpabilité de ce qu’il a fait à sa sœur est présente, de manière physiologique - il pisse du sang -, mais aussi de manière psychique. Il est obsédé par une présence de vie extraterrestre qui va venir le chercher. C’est sur ce point précis que deux lectures du film sont possibles, avant la dernière séquence qui tranche. Cette dernière séquence qui, comme l’arc avec la petite Zélie Rixhon, vient un peu comme un cheveu sur la soupe. Alors que le film s’était passé dans l’extrême majorité des plans, en intérieur et dans la maison de famille décrépie, on change de lieu pour arriver dans un monastère. Ce changement de lieu conduit à un changement de rapport de force et à une scène d’une tension jamais encore atteinte par le film.
"Tous les dieux du ciel" est donc une expérience visuelle et sensorielle, qui même si elle tourne parfois un peu à vide, parvient à nouer l’estomac et surtout à ne ressembler à rien dans la production contemporaine française.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur