TONI EN FAMILLE
L’avenir est pour tous et à tout âge
Toni est une mère célibataire élevant ses cinq enfants. C’est là ce qui occupe son quotidien, rythme sa vie et concentre tous ses objectifs. Mais cette année, les deux aînés passent le Baccalauréat. Ils doivent préparer leur futur, s’interroger sur leurs rêves, leurs ambitions. Toni se questionne alors : qu’en est-il d’elle ? Qu’a-t-elle accompli ? Peut-elle aussi avoir un projet d’avenir à 42 ans ?
"Toni en famille" est un beau film avant tout, où une comédie de surface se mêle à des moments de drames plus profonds. Le long métrage est servi par une écriture fine et juste dans ses dialogues, qui permettent au spectateur de passer du rire - face à certaines tranches de vie des personnages -, à la peine, ressentie surtout envers cette mère. Une femme qui, portant comme lourd message sur le fait que trouver sa voie et une raison d’être n’est soumis à aucune limite d’âge, va pourtant se heurter à l’égoïsme de ses enfants et à son quotidien (son rôle de mère en somme) dont elle est prisonnière.
Le quotidien comme prison, est présenté au spectateur dès la première scène, métaphoriquement, alors que notre héroïne se trouve seule, enfermée dans sa voiture, qui va se remplir peu à peu des cinq enfants, quand bien même le véhicule n’ait pas assez de sièges pour accueillir six personnes. Cet enfermement, cet écrasement, le spectateur le vit avec Toni qui est finalement la bonniche de sa progéniture, parfois même avant d’être leur mère. Elle fait tout : le ménage, la vaisselle, la cuisine, les courses, la lessive…et il lui faut au moins la journée pour accomplir tout cela. Les enfants en ont conscience, ce sera d’ailleurs leur plus grand reproche quand elle évoquera l’idée de reprendre ses études : qui va s’occuper d’eux si elle, qui de jour leur est entièrement dévouée, se met à faire quelque chose d’autre ?
L’égoïsme des enfants est certainement ce qui est le plus mis en évidence dans "Toni en famille". Pourtant, aucun de nos cinq futurs adultes n’est antipathique. Ils traversent l’adolescence ou se préparent à affronter l’après-Bac, ils ont leurs incompréhensions, leurs peurs et inquiétudes. Alors on les soutient et, lors des conflits, au lieu de choisir son camp, on se sent peiné surtout, de l’absence de communication entre les deux générations. D’autant que jamais l’on ne doute de l’amour que chacun porte aux autres, l’amour des enfants pour leur mère, de Toni pour ses enfants, plusieurs scènes le démontrant parfaitement.
Ce que l’on retient de "Toni en famille", ce sont tous les beaux moments, également tous ces moments drôles qui mêlent un aspect touchant. On rit parce que, au fond, on est un peu ému et c’est là un bel humour. L’on retient également la justesse dans le propos et l’écriture, qui empêchent même un reproche potentiel sur un troisième acte que l’on pourrait juger un peu long, même s’il est nécessaire pour satisfaire le parcours de chaque membre de la famille.
"Toni en famille" pourrait rester juste une très belle surprise, pouvant sans nul doute s’asseoir aux côtés de "La Voie Royale" ou même "Les Petites Victoires" qui l’ont précédé cette année, mais il devient une performance assez impressionnante lorsque l’on sait que le réalisateur et scénariste, Nathan Ambrosioni, n’a que 24 ans. Avec des débuts aussi convaincants que prometteurs, il ne reste plus qu’à attendre avec impatience et excitation la suite de la carrière du cinéaste, que l’on imagine déjà pleine de succès. Dans tous les cas, la seconde moitié de 2023 commence très bien pour le cinéma français.
Nicolas RibaultEnvoyer un message au rédacteur