TOKYO TRIBE
POUR : Concours de beats
Dans un Tokyo futuriste où la ville est désormais segmentée en quatre clans en guerre, seule la loi du plus fort semble régner, et la police ne peut rien y faire. Deux anciens amis, chacun à la tête d’un de ces clans, sont en rivalité pour un mystérieux motif, et jour après jour, la situation ne cesse de s’envenimer pour mieux accélérer l’imminence du chaos. À moins que de ce chaos puisse émerger un espoir de réconciliation…
Sortie le 2 décembre 2015 en DVD
D’abord, un bon conseil : si la musique hip-hop – nippone qui plus est – est du genre à vous donner envie de fracasser votre poste de radio sur le crâne de votre voisin, fuyez "Tokyo Tribe" comme la peste. En plus de constituer une adaptation brillante du fameux manga de Santa Inoue, la nouvelle bizarrerie de Sion Sono n’est pas du genre à intégrer de la J-pop sirupeuse pour gamines biberonnées aux peluches Hello Kitty. Non, ici, place à un gros morceau de péloche énervé et épuisant, monté et découpé à la manière d’un album gangsta-rap, où les dialogues parlés servent de transitions malignes entre des morceaux de rap ici chantés par de vrais rappeurs. Provocation extrême ou culte insensé ? Les deux. Et pas qu’un peu : tout dans "Tokyo Tribe" ne vise rien d’autre que la virée azimutée dans un microcosme hystérique où se conjuguent perversité sexuelle, vulgarité verbale, violence extrême et too much élevé au rang de 8e art. En même temps, pour une production Nikkatsu, c’était le minimum…
Pour une comédie musicale censé transformer la guerre des gangs en rollercoaster musical surchargé de beats et de vibes, Sion Sono ne fait pas les choses à moitié : la trame narrative est réduite au strict minimum, les références s’enchaînent sans discontinuer (on pense autant à "Mad Max 2" qu’aux "Guerriers de la nuit"), Tokyo y est décrite comme un gigantesque parc d’attraction post-nuke, les excentricités se bousculent à la queue leu leu (dont un sanibroyeur géant et un mobilier humain à la "Orange mécanique" !) et l’agressivité du montage se calque sur celle du verbe comme si le film cherchait à épouser le rythme d’une beatbox. De quoi réduire en charpie les tympans des âmes sensibles, sans pour autant que la mise en scène en devienne elle aussi foutraque. En effet, contrairement à un Takashi Miike, de plus en plus instable dans ses choix de mise en scène, Sion Sono est de ces cinéastes qui maîtrisent leur photo et leur caméra, usant du plan-séquence ou des décadrages lorsque la situation le nécessite.
Du coup, le spectateur en est réduit au statut de boule de flipper, larguée dans une attraction trop grande pour lui, est invité à se laisser gagner par le rythme et finit littéralement lessivé au terme de ces deux heures de folie furieuse. Rares sont les films à savoir refléter les sensations d’un gigantesque concert avec une sono – volontairement – un peu trop élevée. Peu importe que le film ne soit qu’une grosse farce hystérique et vide de sens, et qu’importe si la résolution finale des enjeux du récit ne va pas au-delà d’un simple concours de quéquettes digne d’un bis italien décérébré. Seuls comptent le son, les vibrations et les sensations. Il suffit de se laisser électriser par elles. Et si le volume vous semble trop fort, vous n’avez qu’à changer de trottoir : ici, c’est la folie des gangs qui hurle ses règles à grands coups de rimes. C’est grisant, c’est démesuré, ça ne va pas plaire à tout le monde. C’est donc un film culte.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteurDécidément, ce Sono Sion est un sacré farceur, jamais là où on l’attend ! Après avoir enchaîné un drame intimiste post-fukushima ("The Land of Hope) et un "Why Don't You Play in Hell?" délicieusement foutraque et violent, le voici qui revient avec une comédie musicale hip-hop sur fond de guerres de gangs tokyoïtes. Alors si cette adaptation de manga fait saliver à première vue et bien que le long plan séquence d’ouverture laisse présager un trip savamment barré et consistant comme Sono Sion sait si bien le faire, force est de constater l’échec cuisant à l’issue de la projection…
Après une bonne demi-heure de présentation des innombrables crews peuplant ce Tokyo très juvénile et post-apocalyptique en carton-pâte, on peine déjà à identifier les Shivuya Saru des Masusashino Saru et autres noms exotiques qu’on n’arrivera, de toutes façons, pas à retenir. Mais le pire, c’est que dans ce bordel aux personnages secondaires aussi nombreux que les figurants d’un film catastrophe, la confusion s’enfonce jusque dans les enjeux difficiles à cerner. Apparemment, le contentieux se situerait au niveau de la braguette, le symbole phallique étant visiblement une véritable obsession pour la majorité de ces rappeurs aux rimes pauvres et creuses qui tournent finalement en rond. Heureusement, parfois, certains se démarquent avec des textes plutôt recherchés mais ils se comptent sur deux phalanges.
Il en résulte un ersatz des "Guerriers de la nuit" façon "West Side Story" sans autre ambition narrative que de faire du clip de rap de bas étages, exubérant et qui n’arrête jamais de jacasser pour ne déblatérer que des insanités futiles et navrantes. On a beau adorer le côté foutraque des longs-métrages de Sono Sion, cette cacophonie vaine et permanente tape sur le système pendant deux longues heures ! Si ça continue, le prolifique Sono Sion (qui n’a pas moins de 6 films programmés en 2015 !) va finir aux côté d’un Takashi Miike : avec plus de navets que de bons films dans sa filmo…
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur