TO KILL THE BEAST
Un impressionnant travail sur la lumière, pour un conte surnaturel pas totalement abouti
Emilia, 17 ans, laisse plusieurs messages à son frère, qui habite à la frontière entre l’Argentine et le Brésil. Sans réponse et malgré les réticences de sa grande sœur, elle décide de se rendre chez sa tante, qui tient une pension non loin de là. Mais, au cœur de la jungle tropicale, est censée roder un esprit maléfique prenant la forme d’animaux, et provoquant la peur d’une population locale ancrée dans ses croyances…
Premier long métrage d’Agustina San Martín, "To kill the beast" est un film argentin passé par le Festival de Toronto l’an dernier. Flirtant avec le surnaturel, il s’agit aussi d’un récit d’affirmation de soi et d’émancipation féminine, centré le ressenti d’une jeune femme de 17 ans, découvrant ses propres pulsions et sa possibilité d’autonomie, au sein d’une jungle pleine de dangers. La symbolique semble forte, mais la clarté du propos ne sera pas vraiment au rendez-vous, faisant planer des soupçons d’emprise et de violence (voire d’inceste ?) sur ce frère aux abonnés absents (seul son chien erre dans la maison alors que le téléphone sonne…) qui pourrait bien être la fameuse « bête » du titre, ou trouver en celle-ci, recherchée par les villageois, une incarnation.
Là où le film s’avère cependant réellement prometteur c’est dans l’utilisation de la lumière et du son. D’emblée le soleil se mêle à la brume, créant une atmosphère étrange accompagnée des grondements d’un orage qui semblera ensuite quasi permanent. Un sentiment encore renforcé par la suite par la représentation de la pension ou des maisons du village, les lumières des fenêtres semblant exacerbées, comme des refuges chaleureux au sein d’un environnement hostile. Agustina San Martín, ancienne directrice de la photographie, apporte ici un soin particulier à ce décor et à son ambiance sonore, symbole cauchemardesque des craintes d’une adolescente au seuil de l’âge adulte, à laquelle on a inculqué l’obéissance à l’homme. Maîtrisant par sa mise en scène un inquiétant hors champs (le moment où Emilia se rend chez une voisine, n’apparaissant jamais à l’écran, pour téléphoner) comme des apparitions en apparence anodines d’un bovin, dont la démarche lente s’avère évocatrice, elle donne là une idée d’un potentiel qu’un récit mieux construit pourrait donner.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur