TITANE
Un titane solide, mais sonnant un peu creux
À la suite d’un accident de la route, la jeune Alexia se trouve obligée de porter une prothèse en titane. Devenue adulte, elle s’exhibe dans des salons automobiles tout en s’enfonçant dans une série de meurtres sordides…
Le film d’après… Il n’est jamais aisé pour un réalisateur de revenir après un succès, en particulier lorsqu’il s’agissait de son premier long métrage. Il est peu dire que Julia Ducournau avait obtenu un écho colossal avec la présentation de son "Grave", il y a maintenant déjà cinq ans, à la Semaine de la Critique. Son projet d’après se résume également en un mot : "Titane", un métal particulièrement résistant à la chaleur et à la corrosion. C’est de cette matière qu’est faite la prothèse au crâne que doit porter la protagoniste suite à un accident de la route. Devenue adulte, elle entretient un rapport particulier avec les bolides d’acier, se livrant à des shows érotiques sur des capots de bagnoles. Au contact de la carrosserie, son corps prend vie, se déhanche, fusionne avec la voiture. Après une scène d’ouverture magistrale, c’est dans cet univers que semblait nous inviter la cinéaste, avant que ce drame cronenbergien ne prenne un tout autre chemin.
Ultra-référencé, le film n’est pas pour autant un pot-pourri d’œuvres inspiratrices mal digérées. Bien au contraire, "Titane" s’amuse des genres, jubile à transcender sa forme narrative pour choquer brutalement à travers une violence crue, contrastant avec les séquences plus mélancoliques. Et à l’image du sort réservé au personnage de Garance Marillier, Julia Ducournau en profite également pour « tuer » son premier triomphe, affirmant avec malice et talent qu’elle ne sera jamais là où on l’attend. Expérience viscérale chaotique, alternant entre le gore esthétisé et le calme taciturne, cet uppercut cinématographique est avant tout la poursuite des obsessions de son auteure, des mutations des corps aux liens familiaux dysfonctionnels. Les stigmates s’exposent sur l’anatomie des êtres meurtris, refusant sa décrépitude pour l’un, interrogeant les questions d’identité pour l’autre.
Objet aussi fascinant qu’il peut être agaçant, le métrage fait partie de ceux face auxquels il est impossible de rester indifférent. Évidemment, la Croisette a vu s’affronter les pros et les antis, mais "Titane" a indubitablement marqué cette 74ème édition du Festival de Cannes. Une déclaration d’amour fougueuse à la puissance de la mise en scène, un cri de rage contre le male gaze et les codes établis. Peu importe que certains passages semblent moins inspirés et nécessaires, le film est une expérience globale, radicale, à considérer dans le vertige de l’ensemble. Offrant un rôle inattendu au toujours excellent Vincent Lindon, ce slasher poisseux révèle surtout une nouvelle actrice, Agathe Rousselle, débarquant avec fracas dans le club fermé du 7ème Art. Un choc !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur