TIGRESSE
Portrait de femme, tout en résonances
Vera est vétérinaire et travaille dans un zoo. Alors qu’elle cherche sans succès à faire enterrer son bébé mort peu après sa naissance et non baptisé, elle est envoyée dans une riche villa libérer une tigresse prisonnière d’une piscine vide devenue cage. Un soir, après avoir aperçu son mari embrasser une autre femme, elle retourne travailler au zoo et s’endort en oubliant de refermer la cage. Commence alors une traque où elle tâche de préserver la vie de l’animal…
"Tigresse" doit finalement autant son titre à Rihanna, la femelle tigre que l’on retrouve dans une piscine privée réaménagée en cage chez un particulier, qu’à son personnage principal, Véra, femme qui se découvre trompée, qui enrage et doit décider de l’attitude à adopter. Entre ces deux personnages, c’est un lien de méfiance et un parallèle qui va peu à peu se construire au fil du métrage, le metteur en scène, Andrei Tănase, s’attachant à travailler les ambiances de couleurs et les sons, pour mieux basculer ponctuellement dans le ressenti de ces deux êtres blessés, qui n’ont plus confiance en l’homme.
L’Homme justement est ici montré du doigt, comme égoïste et impitoyable, alors que l’héroïne, elle, met de côté sa propre détresse liée à la mort de son enfant (qui lui est d’ailleurs reprochée par son mari) pour entrer en empathie avec l’animal devenu, comme elle, un être errant. Agissant aussi finalement comme une mère envers celle-ci (elle lui donne sa peluche favorite, laissée par le propriétaire initial, elle la nourrit crûment, elle tente de la rassurer dans un soudain face à face alors qu’elle est traquée...), faisant ainsi l’expérience d’une maternité qu’elle n’a pas pu connaître.
Lorgnant ponctuellement du côté de la comédie, avec l’agglomération progressive des inefficaces poursuivants (chasseur, mari, policiers, randonneuses...), "Tigresse" est un drame sensoriel qui n’hésite pas à appuyer tout de même là où ça fait mal, par des parallèles risibles autour de la notion d’enterrement, ou le traitement finalement réservé à l’animal. Il en résulte un joli portrait de femme blessée, porté par une actrice roumaine qui donne toute sa dimension révoltée au personnage, Catalina Moga ("Dédales", "Sieranevada").
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur