THEY SHOT THE PIANO PLAYER
Une originalité picturale pour une prenante enquête musicale
En 2009, Jeff Harris, déjà auteur d’un article du Newyorker sur la naissance de la Bossa Nova dans les années 50, présente son livre avec son éditrice dans une libraire de New York. Il revient sur ce qui l’a amené à enquêter sur un pianiste surdoué méconnu, Tenório Jr, disparu à l’aube de la dictature argentine…
Douze ans après "Chico et Rita" (2011), Fernando Trueba (également réalisateur de fictions telles que "L'artiste et son modèle" ou "La Reina de España") retourne au film d’animation avec une nouvelle fois Javier Mariscal (auteur de BD et peintre) pour dresser, sous forme d’enquête journalistique, un portrait de pianiste surdoué ayant mystérieusement disparu avec le coup d’État en Argentine. Du côté graphisme le film s’avère particulièrement intéressant, de part l’utilisation d’un dessin où les traits de contours s'avèrent prégnants et les couleurs viennent donner la profondeur de champ. Ainsi un ou des personnages vont adopter une couleur dominante et ses dégradés, alors que le décor sera d'une autre, mettant en évidence aux yeux du spectateur, une personne, parfois perdue dans une multitude de détails, ou une partie du plan. Ponctuellement, certains plans paraissent ainsi construits tels des vitraux (l'entrée de la boîte de nuit, les scènes du carnaval aux formes plus arrondies...), avec des couleurs souvent chaudes, et il s'en dégage une harmonie qui contraste avec la froideur de l'histoire.
Car il est en effet ici question d'aborder en creux, le portrait d'un pianiste influent dans le milieu musical, mais pas vraiment connu du grand public et victime de la dictature argentine. Devant être initialement un documentaire classique, le film se base ainsi sur près de 150 interviews (seules quelques unes étant exploitées, avec parfois les voix réelles des protagonistes). Toutes relèvent en fait d'une enquête de la part des réalisateurs, puisque le journaliste, conteur de l’histoire, est un personnage fictif. Certaines font même office de véritables récits inédits, comme celle d'un témoin jamais interrogé en 30 ans ou celle de la femme de Tenório Jr, Carmen, dans son petit village, jamais reconnue comme veuve. Un film qui fait autant la part à l'histoire d'un mouvement musical, qu'aux conséquences des dictatures d'Amérique latine (une cartographie de celles-ci fait d'ailleurs froid dans le dos), laissant ponctuellement d'autres sujets pointer leur nez, comme les croyances locales (la voyante qui est supposée localiser les gens...) ou l'arrivée de la nouvelle vague (avec des évocations des films de Truffaut, en noir et blanc).
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur