LA SALLE DES PROFS
Délation et amalgames
Carla est professeur de mathématique et d’éducation physique au collège. Impuissante, elle assiste à l’interrogatoire de deux élèves, auxquels un professeur demande de signaler qui aurait pu voler une somme d’argent. Un principe de délation forcée qu’elle n’apprécie guère. Quelques jours plus tard, constatant d’autres vols, elle décide de laisser la webcam de son ordinateur allumée, alors qu’elle s’absente quelques secondes, laissant sa veste sur la chaise, portefeuille à l’intérieur. Un nouveau vol est alors perpétré, et le dessin sur la chemise du voleur lui permet de confronter la secrétaire, qui cependant nie les faits. Elle décide alors de montrer la vidéo à la directrice…
Nombreux sont les films et les documentaires sur l’éducation et les valeurs de civisme ou de vie en collectivité, que l’on est censé transmettre aux enfants. "The Teachers’ lounge", que l’on pourrait traduire en français par "La salle des profs", est de ceux qui posent sans doute les bonnes questions, au sein d’une intrigue à la rare intensité, qui ballote son personnage principal, une professeure de mathématique et de sport de bonne volonté, entre vérité et justice, place du bourreau et de la victime. Coincée entre la direction, les professeurs les plus intraitables, ceux qui lui reprochent d’avoir violé le caractère privé de leur lieu de travail, et des élèves qui ne comprennent pas réellement ce qui se passe, c’est finalement l’hésitation entre affichage et secret qui fera le plus de dégâts.
Car le soupçon et les pires théories naissent des non-dits, permettant le déclenchement des comportements les plus viles (chantage, menaces...). Dans une ambiance d’urgence soutenue par l’usage d’une caméra portée qui ne lâche pas le personnage, une actrice au diapason de cette sensation (Leonie Benesch, faisant passer son angoisse grandissante par le regard comme par quelques gestes de nervosité discrets) et avec l’utilisation d’un thème anxiogène lancinant au violoncelle, "The Teachers' lounge" parvient à son objectif : créer un sentiment de malaise, de danger et d’injustice autour de cette femme. Une femme qui à force de ménager les coupables, de ne pas dénoncer leurs mensonges, et de vouloir protéger les plus jeunes de la réalité (l’existence de l’injustice, celle du mensonge et de la désinformation...) finit par se retrouver dans une impasse et se voir menacée elle-même. Y voir une parabole de l’attitude diplomatique face aux despotes en tous genres est bien sûr une évidence, en ces temps où les dictateurs prospères et usent du mensonge sans vergogne.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
COMMENTAIRES
Lili
mercredi 17 avril - 7h31
Film fort sur le système éducatif en général. Interprétation remarquable depuis l'actrice principale jusqu'aux jeunes acteurs que sont les élèves.
Un huis-clos aussi angoissant qu'un thriller.
Un film qui questionne.
Dommage toutefois que la fin ne soit pas tranchée et soit laissée à l'imagination du spectateur.
A voir absolument !
samedi 23 mars - 4h29
Je suis tout à fait de votre avis et je trouve votre critique très intéressante. elle met en mots ce que je ressentais à la sortie du cinéma en regardant ce film : le sentiment d'une oppression, mais surtout d'hésitations, de non dits, de silence est un manque d'explication et de réaction de la part de personnage principal on a l'impression qu'elle s'enfonce de plus en plus et qu'elle est perdue et qu'elle n'arrive plus à revenir vers la réalité...
Mais surtout ce qui est terrifiant c'est la vitesse à laquelle se propage de fausses informations rumeurs retournement des représentations voir des sentiments vis-à-vis de quelqu'un