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THE SUBSTANCE

Un film de Coralie Fargeat

Retour en grâce pour Demi Moore, dans un film choc

Évincée de l’émission d’aérobic qu’elle présente, Elisabeth Sparkle, une actrice vieillissante, accepte de payer pour un traitement novateur. Recevant un premier colis, elle y trouve une substance lui permet de créer un double d’elle-même, plus jeune et plus parfait. Une fois l’activation et la genèse du double réalisées, celui-ci doit alors être stabilisé chaque jour avec un autre liquide prélevé dans la moelle épinière de l’être d’origine, ceci avant de permuter au bout d’une semaine en échangeant leur sang. Elle donne ainsi naissance à Sue, qui devient vite célèbre, mais qui est censée ne faire qu’une avec elle. Du coup le retour à son corps d’origine risque d’être bien frustrant…

Reparti du dernier Festival de Cannes avec le prix du meilleur scénario, le second long métrage de Coralie Fargeat ("Revenge"), "The Substance", film d’anticipation remarquable, aura laissé bon nombre de spectateurs cloués à leur fauteuil, par la qualité de sa réflexion sur la célébrité comme par ses aspects gores. Œuvre oscillant entre fantastique et horrifique, elle se double d’un conte moderne sur le mythe de la beauté et de la jeunesse éternelle, mais aussi d’une critique de la dictature de la société en termes d’image et de succès. L’introduction du métrage pose d’ailleurs à elle seule la question de la déchéance de l’apparence comme de la célébrité. On y assiste, en un plan zénithal, à la création d’une étoile sur Hollywood Boulevard dédiée à l’actrice Elisabeth Sparkle (dont le nom de famille ne signifie pas « étincelle » pour rien), qui est ensuite joyeusement piétinée, usée et négligée par les fans et autres passants pouvant se promener par là. Une séquence tout juste mémorable, provoquant une émotion presque aussi forte que celle liée à l’introduction du film d’animation Pixar "Là-haut", même si encore quelque peu désincarnée à ce moment de l’intrigue.

Redoutable d’intelligence et de férocité, le scénario nous entraîne dans une guerre de tranchées entre l’actrice et son double, la règle qui consiste à ne jamais oublier qu’elles sont une seule et même personne étant (comme pour les "Gremlins" qu’il ne faut pas nourrir après minuit) rapidement vouée à être contournée, pour le meilleur et pour le pire. Les actions de l’une ayant forcément un impact sur l’autre (et réciproquement), chaque semaine et chaque permutation hebdomadaire ou tentation de ne pas respecter non plus cette deadline donnera lieu à de nouvelles surprises, au sein d’une logique implacable où l’individualisme ne peut que prendre le dessus. Spirale infernale, l’intrigue s’affine ainsi autour de la notion d’une déchéance annoncée et finalement tellement humaine, car autant morale que physique.

Si des influences propres à "Shining", "Carrie" et autres films d’horreur, pointent leur nez par-ci par-là, ce n’est que pour rajouter au plaisir provoqué par un film aussi cérébral que visuel, servi par une photographie sublime, des cadrages sensoriels, ainsi que des effets spéciaux et maquillages très réussis. Mais si ce conte met particulièrement mal à l’aise, c’est surtout grâce à l’interprétation perturbante à souhait et sans concession de Demi Moore, qui retrouve ici un véritable grand rôle qui pourrait l’emmener jusqu’aux prochains Oscars. Sa bataille rangée avec Margaret Qualley (découverte dans "Palo Alto" et dans la série "The Leftovers" et vue récemment dans "Stars At Noon" de Claire Denis), redoutable adversaire de son personnage lui-même, provoque un stress grandissant et trouvera forcément une résonance chez les adultes, notamment les quarantenaires et au-delà. Qui a dit que le monstre était en chacun de nous, et qu’il finirait bien par se voir ? Un film malgré tout féministe en diable, qui n’aura aucun mal à devenir culte.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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