THE OUTRUN
Le bouleversant portrait d’une alcoolique, porté par une Saoirse Ronan saisissante
Rona, 29 ans, se fait virer de boite de nuit londonienne à force d’être bourrée. S’isolant dans les îles Orkney (les Orcades), au nord de l’Écosse, où réside sa mère, pour échapper à ses démons, elle s’occupe des brebis et se lancer envahir par la puissance de la nature…
Ce fut l’une des très belles surprises de la section Panorama du dernier Festival de Berlin que ce nouveau long métrage de Nora Fingscheidt, réalisatrice remarquée avec le laborieux "Benni" et depuis aux commandes du thriller produit par Netflix, "Impardonnable". Embarquant Soirse Ronan (révélée par "Reviens-moi", puis vu entre autres dans "Hanna" et "Ammonite"...), en jeune femme égarée, en proie à différentes addictions (drogues et surtout alcool), dans une histoire de retour aux sources, sur des îles isolées au nord est de l’Écosse, dans sa famille, "The Outrun" est un portrait sur l’isolement, faisant la part belle aux sensations et au tourment.
La mise en scène tente de se faire immersive, faisant la part belle au ressenti de cette anti-héroine. Dans la scène d'introduction, expliquant sommairement son départ de Londres, la caméra portée semble en mode roulis, alors que les grincements et ronflements prennent le dessus, incarnant l’ébriété du personnage. Puis elle utilise les flous, une caméra instable, comme le dédoublement ponctuel du visage du personnage, donne une place immense au bruit du vent et aux éléments, afin de nous faire ressentir le lâcher prise et le manque.
De pôle emploi, suggérant la précarité de sa situation, au-delà de ses problèmes de séparation, on passe par une rapide ellipse 117 jours après, avec l’arrivée chez sa mère et l’aide à la ferme de son père, redécouvrant des choses basiques de la vie, au contact des brebis. Le film déploie ensuite une complexe structure, revenant ainsi par flash-back parfois imbriqués sur sa relation, ses penchants pour l’alcool et sa tentative de cure, mais mêlant aussi des passages (notamment animés) illustrant des légendes locales (le lien entre les noyés et les phoques, la création supposée de l’archipel...). Subtilement, il construit également un parallèle, entre un oiseau protégé et le personnage principal.
Porté par Soirse Ronan, tout juste époustouflante de fébrilité, entre tentative de repentir et explosions soudaines, "The Outrun" offre ainsi un portrait troublant, mêlant pudeur et sentiment de honte, abattement et révolte, mais aussi détresse et espoir. Magnifiant progressivement les vibrations de la nature (une tempête nocturne, le fracas de puissantes vagues notamment...), c’est en effet à un espoir de maîtrise d’elle-même et des éléments qui l’entourent que nous invite ce sombre portrait, dans lequel la famille et la transmission ont une véritable importance.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur