THE HOUSEWIFE
La météo de la ménagère
Toko a tout de la femme au foyer idéale aux yeux de la société nippone. Mais le jour où elle recroise par hasard son ancien amant de faculté, le désir amoureux se mêle à celui de reprendre son métier d’architecte, au risque de sacrifier sa vie actuelle…
Il faut être extrêmement attentif à la météo dans "The Housewife". Pas seulement parce qu’elle n’arrête pas de changer (on passe parfois du plein soleil à la tempête de neige en un raccord de plan !) mais parce qu’elle semble se caler ouvertement sur les états d’âme alternatifs d’une ménagère nippone qui cherche à s’extraire de son existence morne. On le signale parce qu’ici, en matière de thriller romantique à base d’adultère, il n’y a clairement rien de neuf à l’horizon du Soleil Levant : la cellule familiale proprette et perfusée aux valeurs traditionnelles du patriarcat (avec l’époux autoritaire et odieux qui fait partie du package !), l’amant qui ressurgit du passé pour réveiller aussi bien le désir d’indépendance que la libido, le dilemme d’une héroïne tiraillée entre deux pôles qui ne peuvent s’équilibrer ad vitam aeternam… En matière de mélodrame convenu, le film de Yukiko Mishima liste et coche à peu près toutes les cases. En matière de sensiblerie, aussi, surtout si l’on en juge par sa conclusion particulièrement cruelle, où le signe d’une émancipation retrouvée se teinte d’un pathos assez inattendu – on avoue qu’on ne s’attendait pas à ce que le film s’achève de cette manière.
A vrai dire, le problème principal que l’on pointera ici, c’est qu’il faut vraiment s’armer de patience pour atteindre le zénith de cette énième quête d’émancipation, le scénario se bornant à enfiler les lieux communs du récit adultérin comme des perles (inutile de chercher le suspense là où il n’existe plus depuis longtemps) et à compter sur une poignée d’intermèdes sexuels pour pimenter son propos anti-patriarcal. Notons d’ailleurs que ces scènes-là finissent par perdre beaucoup de leur impact à force de miser sur le temps réel et le non-découpage (il faut s’appeler Kechiche pour tenir un parti pris aussi kamikaze jusqu’au bout !). Du coup, c’est en très grande partie grâce à une réalisation maîtrisée et un casting solide que l’indulgence se fait nôtre face à des canons romantiques trop balisés. Mishima façonne de très beaux cadres qui permettent de guetter les différentes strates de rapports (de classe sociale ou de sentiments) en fonction des jeux d’échelle, ose d’élégants travellings qui font sens, et, on insiste encore là-dessus, compte de temps en temps sur l’impact symbolique de la météo (le soleil qui rend le quotidien étouffant, la pluie qui réveille le désir, la neige qui bloque le libre arbitre) pour que l’image s’exprime à la place des mots. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas rien.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur