THE FLASH
The Flash au point mort
Barry Allen, alias le Flash, est désormais membre de la Justice League aux côtés de Batman, Wonder Woman, Superman. Partagé entre ses activités de super-héros à Central City et Gotham City, Barry n’a de cesse de penser à l’injustice de son enfance. Son père, accusé à tort du meurtre de sa mère, croupit en prison depuis. Il décide alors de prendre les choses en main et de changer le cours des celles-ci…
Doit-on retracer l'histoire ? Si la notion de temps est l'une des thématiques principales du film, elle s'accorde en filigrane à sa propre histoire de production qui s'est étalée sur presque 10 ans. Le film d’Andy Muschietti est passé entre diverses mains de réalisateurs (dont Robert Zemeckis, réalisateur de la trilogie "Retour vers le futur") mais également entre diverses visions, autant de la part de la production (ici Warner Bros.) mais aussi de scénaristes (45 au total !). Autant vous dire que le résultat est à l'image de sa production : un beau désastre. Ni une suite réelle de l'univers lancé par Zack Snyder en 2013 avec son fabuleux "Man of Steel", ni un dernier chant du cygne. Le film qui était censé relancer la machine DC comics et clôturer un long et laborieux univers connecté, dont il ne reste plus que quelques miettes, se plante dans tout ce qu’il entreprend.
Et l'auteur de ces lignes s'est installé dans la salle obscure avec l'espoir fou de voir un film-somme, un final haut en couleur et en émotions pour terminer une saga certes plus que perfectible, mais ayant une véritable attache émotionnelle pour lui. Force est de constater que, premièrement, le film n'est pas la conclusion de son univers bancal. Pire, il le pille allègrement en enlevant ce qui faisait son sel. Oubliez les questionnements moraux de Batman ou Superman, oubliez un traitement premier degré qui force l'admiration dans ce genre de production. Ici on préfère continuer à édulcorer et à organiser les séquences autour de blagues (parfois bienvenues, plus souvent gênantes) quitte à verser dans le cynisme pur et dur qui gangrène le blockbuster depuis plus de 10 ans.
Malgré des enjeux dramatiques intéressants, même si beaucoup trop courants - comme l’impossibilité du deuil et jusqu'où Flash est capable d'aller dans sa recherche égoïste - , si tout le film tourne en dérision ses situations, il désamorce alors toute tension dramatique. Pas une seule fois nous ressentons du frisson pour nos personnages et leur quête, vu qu’eux-mêmes ne le prennent pas au sérieux et que tout, absolument TOUT, est sacrifié sur l'autel du fun et du fan-service. La présence hideuse d'effets spéciaux indignes d'une production qui aurait coûté 220 millions de dollars (sans compter le budget marketing) ne fait qu'enfoncer le clou. Tout héros du film, de Flash à Supergirl en passant par Batman, est vite transformé en doublure numérique qui écorche la rétine. Impossible pour nous de s'impliquer émotionnellement dans des tas de pixels mal digérés. Rien à l'écran ne paraît vrai ou tangible. Et même si les 30 premières minutes, incroyablement classiques certes mais efficaces dans la mise en place, donnaient presque l'impression que le film allait se tenir, ce n'est que pour mieux dévaler la pente ensuite.
Nous pourrions parler du retour du Batman de Ben Affleck ou de celui de Michael Keaton si le film leur donnait une véritable consistance. Hormis rameuter les fans d'un univers mourant pour le premier et ceux des films de Tim Burton pour le second, ce n'est pas l’inexistence de leur traitement qui arrivera à nous cacher la vraie raison mercantile de leur présence à l'écran. L'un n'est visible que quelques minutes pendant l'intro avec quelques actions dignes des jeux Arkam de Rocksteady mais gâchées par un Batman sortant tout droit de l'affreux "Justice League" version Joss Whedon (2017). Un Batman qui a l'air de cacher sous sa cape toute la panoplie des pires blagues Carambar n'est pas digne du personnage, autant des comics dont il est adapté, autant de le vison que Snyder et Ben Affleck, son interprète, ont instaurée au début de leur univers. Ne parlons pas de ce pauvre Michael Keaton qui nous rappelle, avec sa prestation monolithique les heures sombres où il faisait de la pub McDonalds pour "Batman" en 1989. Nous n'évoquerons même pas le cours express sur le multiverse qu'il s'amuse à faire à base… de spaghettis. Rien dans ces grandes figures n’invite à l'iconisation ou à rendre ces moments cinégétiques. Le cynisme a pris le dessus sur l'entreprise et le traitement par dessus la jambe de notre Supergirl (incarné avec conviction par Sasha Calle pour son peu de temps à l'écran) ne fait que confirmer un projet qui finalement fait comme Barry : il court sur lui-même, afin de rattraper presque une décennie de mauvaises gestions et de non-décisions créatives qui soient cohérentes, pour finalement se faire s'entre-choquer tout ce beau monde sans réelle conséquence.
Parce que non, ceci n'est pas une fin. Ce film n'est pas le chant du cygne autant annoncé qu'espéré. Rien ne donne cette sensation, du non-traitement de ces situations à une direction artistique qui pique les yeux, pour finir avec une bande sonore sans aucun sens qui reprend et massacre les thèmes emblématiques du Batman de Keaton ou de John Williams avec son Superman. On a un thème musical grandiose de Flash par Junkie XL dans "Justice League Snyder Cut" (2021), alors autant ne pas l'utiliser. On va faire revenir un des meilleurs méchants de l'univers avec Zod et son incroyable Michael Shannon, pour déjà le rendre visuellement moins réussi qu'il y a 10 ans, mais surtout ne rien donner à l'acteur à jouer. Il (l'acteur) déclarera lui-même que l’expérience n'a pas été satisfaisante du tout et qu'il ne comprend plus cette industrie qui recycle, sans vergogne ni talent, tout ce qui a déjà été fait.
Et c'est là où le film aurait pu être fascinant. On peut soi-même, en tant que spectateur, interpréter ce que le double de Barry Allen essaye d'entreprendre sur la dernière partie du métrage. Obsédé à l'idée de réparer les choses, de sauver envers et contre le destin les gens qu'il aime, il se retrouve à passer des milliards d'années à essayer encore et encore jusqu'à se transformer en une abomination guidée par son obsession dévastatrice. Seule grande idée du film, traitée avec autant d'attention qu'une cuisson de steack chez KFC, il y aurait pu avoir là un regard sur ce système hollywoodien qui n'a d'yeux que pour ses franchises super-heroïques et son pillage du passé, en ramenant, physiquement ou numériquement, les anciennes incarnations de ces personnages emblématiques. Avec un vrai regard de cinéaste distillé grâce à la mise en scène ou aux dialogues, la réflexion aurait été passionnante. Mais le moment du climax, où tout les univers anciens comme nouveaux s'entre-choquent et se détruisent, est une belle image de ce que l'industrie a elle-même créé : son propre Dark Flash, n'hésitant pas à ressusciter les morts envers et contre tous, en vidant de sens tous ces monde qui autrefois nous enchantaient, pour au final, les briser.
Nous aurions aimé être plus tendres envers ce film, sincèrement. Mais force est de constater que le genre est à bout de souffle et ce ne sont pas les résultats désastreux au Box-Office des "Shazam", "Black Adam" et autre "Ant-man 3" qui viendront sauver un genre en décrépitude et qui commence sérieusement à tourner en rond. Et ne serait-ce que pour le respect du spectateur, nous faire finir avec un Barry qui rejoint sa réalité où le Bat-Fleck a laissé sa place à l'une des pires itérations du personnage en dit long sur à quel point le monde du cinéma grand spectacle va mal. Il révèle aussi au passage une facette de sa personnalité terrifiante : son cynisme. On pensait voir la carcasse du DCEU complètement disparaître avec cet « utltime » opus, mais non, elle continue de pourrir sur la place publique et le problème, c'est que ça commence à sentir fort.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur