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THE FALL GUY

Un film de David Leitch

Last Ryan Hero

Colt Seavers est un cascadeur de renom ainsi que la doublure officielle de la superstar Tom Ryder. En plus de connaître un amour naissant auprès de Jody une cadreuse, Colt vit son rêve. Mais après un accident sur un tournage, il se retire du monde du cinéma et se morfond dans un boulot de voiturier. C’était sans compter sur un appel téléphonique de Gail, la productrice des films de la star mégalo. Il doit se rendre sur le tournage du premier film de Jody, qui l’aurait demandé explicitement. C’est peut-être une chance pour Colt de se réconcilier avec son amour perdu. Mais il est loin de se douter de la galère dans laquelle il s’embarque…

À l’annonce du projet "The Fall Guy" par David Leitch ("Deadpool 2", "Atomic Blonde") porté par Ryan Gosling et Emily blunt, nous ne pouvions pas nous empêcher d’y voir là qu’une énième tentative de divertissement calibré avec tubes à gogo, traitement cynique et une revendication du statut « film cool » aussi subtile que les panneaux publicitaires de Las Vegas. Les diverses bandes annonces n’ont également pas aidé à nous vendre ce projet qui paraissait toutefois en dehors des grosses licences et du genre super héroïque. Autant le dire tout de suite, nous nous sommes bien fourvoyés.

Il faut dire que l’idée même d’un film dans un film a toujours été une idée stimulante et intéressante. Que ce soit le côté envers du décors ou la réflexion (relative ici) méta sur le cinéma, c’est un concept toujours ludique pour le spectateur. D’autant qu’ici, le métrage nous embarque avec une bonhomie communicative à coup de bandes sons efficaces et rocks (et toujours en lien avec les scènes) et d’un casting aux petits oignons. Mais avant tout rendons à César ce qui appartient à César : le réalisateur lui-même a été l’un des cascadeurs de renom d’Hollywood et c'est avec son compère Chad Stahelski qu’ils réalisaient en 2014 le premier volet de "John Wick" qui mettait à l’honneur les chorégraphies (et chorégraphes) de combats à mains nues et autres arts martiaux ancestraux. Un genre mis à mal par un Hollywood gangrené par le post "Jason Bourne" et sa caméra tremblante.

Après quelques films plus ou moins réussis ("Deadpool 2" pour ne citer que lui), on commençait à distinguer une constance dans ses productions : certes de l’action mise en boîte avec un vrai savoir faire, mais souvent articulée autour de scénarios qui s’amusent à singer Quentin Tarantino et Roger Avery. On pense évidemment à "Bullet Train" avec Brad Pitt qui était, malgré son final explosif, assez sage dans son utilisation de l’espace confiné et se reposait sur une histoire inutilement compliquée, traversée de dialogues qui se voulaient subversifs ou absurdes. Tout ne fonctionnait pas, mais on sent qu’avec "The Fall Guy" le cinéaste-cascadeur David Leitch a évité les tares de ses précédents films.

N’allons pas imaginer que le métrage soit exempt de défauts (notamment une intrigue qui s’étire beaucoup trop dans son dernier acte), mais il est évident qu’il a pris des notes : son histoire est plus simple, le parcours du héros correspond à un vrai arc et les blagues font mouche. Et c’est là que Ryan Gosling entre en jeu au niveau de la plus-value du film. Il nous rappelle qu’avant d’être un acteur d’action ("The Gray Man", par Joe et Anthony Russo en 2022) ou de drames, il déborde d’un talent comique qu’on n’avait plus vu depuis son rôle dans "The Nice Guys" de Shane Black, avec Russell Crow, injustement boudé à sa sortie en 2016. Ryan Gosling y confirmait sa place dans le genre de la comédie, entre ses mimiques, ses tonalités de voix et ce regard mi-hagard mi-naïf (et n’oublions pas "Crazy Stupid Love" où il jouait l’auto-dérision à fond les ballons).

Il retrouve ici la même énergie qu’il déploie avec un timing coupé au cordeau, aidé par un montage astucieux et dynamique. Emily Blunt n’est pas en reste évidemment, elle qui a toujours su manier l’humour et l’épée (au hasard, "Edge of tomorrow" de Doug Liman en 2014). Elle se lâche ici avec un plaisir non dissimulé, immolant son ex petit ami à répétition pour assouvir sa vengeance. Le couple qu’ils forment à l’écran est d’une alchimie folle et ils nous permettent de nous immerger dans cette histoire rocambolesque. Petite mention pour Aaron Taylor Johnson qui incarne une star mégalo proche de la folie (ou de la bêtise) avec une autodérision qui fait plaisir à voir.

Mais ce qui nous touche le plus en dehors de la forme dynamique du métrage, c’est cette sensibilité qu’il déploie, que ce soit autour de ses personnages ou de la déclaration d’amour du réalisateur à ces corps de métier bien souvent oubliés par les cérémonies de récompenses (le film se permet un petit pic à ce sujet) : les cascadeurs et tous ces anonymes sur un plateau de tournage qui permettent la concrétisation d’une vision. On sent une véritable envie de partager cette passion le temps de 2h. Le générique de fin est dans ce sens un complément essentiel pour saisir la démarche totale du cinéaste : tout du long nous avons un montage regroupant les meilleurs moments du tournage et des cascades, pour la majorité d’entres elles réalisées par des professionnels et non en effets spéciaux (il est aussi mentionné dans les partis pris du film que réalise le personnage d’Emily Blunt, le « réalisme » des cascades).

C’est avec le sourire aux lèvres et l’impression d’avoir vu une comédie d’action américaine (on pense souvent à "Last Action Hero" de John McTiernan de 1993) qui ne nous prend pas pour des bousins qu’on sort de la salle. "The Fall Guy", librement adapté de la série "L’Homme qui tombe à pic" (Lee Majors figure d’ailleurs au générique) est une lettre d’amour au cinéma d’action et aux gens qui le font, qu’un Arnold Schwarzenegger ne renierait pas.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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