THE DEEP HOUSE
Glou glou glou… bouh !
Un jeune couple anglophone spécialisé dans l’exploration urbaine décide un jour d’aller explorer le fond d’un lac artificiel, lequel renfermerait une maison réputée hantée. Mais une fois à l’intérieur de la maison, le couple se retrouve enfermé dedans et les phénomènes terrifiants se multiplient…
Osons aller à l’opposé de l’opinion générale en disant que le cinéma de genre français n’est clairement pas au mieux de sa forme depuis la réouverture des salles. Pour un "Teddy" réellement singulier et barré à souhait, "Méandre" et "La Nuée" auront frôlé soit la déception carabinée, soit le foutage de gueule pur et simple. On comptait donc très fort sur les amis Julien Maury et Alexandre Bustillo pour enrayer cette vilaine mécanique, mais c’est hélas loupé. Ou plutôt, disons que la semi-déception s’avère trop forte pour qu’on puisse la nuancer positivement. Depuis l’incroyable déferlement gore d’"A l’intérieur" et les belles ambiances oniriques de "Livide", les deux bonhommes n’avaient pas cessé de décevoir, faute d’un concept vraiment original et singulier qui apporterait du sang neuf – si tant est que cette expression soit encore pertinente aujourd’hui – au genre.
Or, la force de "The Deep House" est bel et bien d’avoir opté pour un concept inédit et d’avoir mis un point d’honneur à le tenir jusqu’au bout. Soit un film de maison hantée tourné à 90% sous l’eau et quasiment en temps réel. Pari couillu mais réussi en tant que tel, fort d’un crescendo bien géré, d’une mise en scène tantôt subjective tantôt objective qui joue à loisir sur les reflets et les jeux de lumière, d’un suspense toujours plus anxiogène à mesure que la maison semble se doter d’une vie propre, et d’une science de la terreur qui découle intégralement de tous ces partis pris. Un concept que Maury et Bustillo n’essaient pas de traiter par-dessus la jambe, mais au contraire avec un premier degré bienvenu et un amour du genre dont ils ont toujours su faire preuve. Toutefois, si le concept d’une maison hantée subaquatique est tenu, il repose tout de même sur des fondations moins stables que prévu.
Certes, il est assez commun d’entretenir une certaine forme de désorientation dans un cadre de maison hantée où se multiplient des phénomènes aussi surnaturels qu’inexpliqués. Maury et Bustillo vont cependant un peu loin dans le raisonnement, persuadés qu’ils sont de faire illusion en agitant leur caméra dans tous les sens et en accouchant parfois d’une bouillie visuelle parfaitement illisible. A l’écran, ainsi, quand la panique est sensée s’installer, le montage est si brouillon qu’on peine à distinguer quoi que ce soit. C’est que les deux ou trois scènes en question lorgnent en fait sur les conventions les plus soûlantes d’un genre depuis tombé en désuétude, à savoir le found footage. Soit un genre où la captation immersive et en temps réel d’un contexte de terreur a eu trop souvent pour corollaire un manque total de lisibilité dans le cadre, le découpage et la suspension d’incrédulité.
Ici, quand la mise en scène essaie de nous faire croire à des phénomènes paranormaux (comme des cadavres pendus qui disparaissent, par exemple), les choix d’angle et de cadrage sont tellement à côté de la plaque qu’il est impossible d’adhérer à ce que l’on voit. Et quand, en plus d’une mythologie assez portnawak, le jeu très faible des deux acteurs se mêle à des réactions parfois incompréhensibles (surtout chez la fille), on est carrément au bord du facepalm. Ces faiblesses évidentes sont trop tangibles pour qu’on ait envie de les cacher sous le paillasson, et, à vrai dire, n’étonnent guère de la part d’un tandem qui a déjà traité des concepts forts en misant tout sur l’énergie narrative au détriment de sa cohérence globale. "The Deep House" ne vaut ainsi que comme un trip immersif et flippant qui va d’un point A vers un point B, et qui, à l’image d’une attraction dans un parc, s’oublie aussitôt après visionnage. Pour cela, l’expérience en salle reste hautement recommandable. Parce que, soyons clairs, c’est bien là le genre de film que vous n’aurez sûrement pas envie de revoir une seconde fois.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur