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THE CREATOR

Un film de Gareth Edwards

Gareth Edwards ou le créateur du blockbuster presque parfait

En 2060, l’humanité vit conjointement avec l’intelligence artificielle. Mais suite à ce qu’il semble être une attaque sur la ville de Los Angeles, les États-Unis ont déclaré la guerre aux IA. Joshua, un agent à la solde de son gouvernement et infiltré en Asie, est chargé de trouver et détruire une divinité qui serait à l’origine de l’avènement de ce nouveau monde qu’il ne comprend pas. Son nom : le Créateur…

The Creator film movie

Promis, cette fois on va aller droit au but. Nous n'allons pas non plus vous cacher notre scintillement dans les yeux à chaque annonce du jeune cinéaste Gareth Edwards. Bien qu'il n'ait que très peu de longs-métrages à son actif, il reste un de ces metteurs en scène prometteurs qui s'est fait d'abord remarquer en 2010 avec "Monsters", film produit pour 500 000 dollars et dont la poésie et la qualité technique étaient alors indéniables. Suivront ensuite deux tentatives réussies dans le monde du blockbuster avec "Godzilla" en 2014 puis "Rogue One – A Star Wars Story" en 2016, un constat s'imposant alors à nous : ce Monsieur a le sens du spectacle au point de déceler des relents d'un héritage splielberguien que beaucoup de cinéastes actuels revendiquent. Pourtant nombreux sont ceux qui ont prétendu être les dignes héritiers de Steven Spielberg, de J.J Abrhams à M. Night Shyamalan en passant par Jeff Nichols. Avec maintenant 4 films à son actif, Gareth Edwards semble s'imposer à nous comme l’héritier légitime au vu de son dernier film.

Quelque chose que beaucoup ont oublié, mais la richesse et la puissance du spectacle fourni par tonton Splielberg tient surtout à la place qu'il donne aux émotions et aux sentiments de ses personnages, mais aussi à son histoire. Edwards l'a bien compris et en fait le cœur du film : chaque personnage porte une culpabilité liée à ses choix et leurs conséquences. Certains s'enfoncent dans leur quête vengeresse contre l'IA tout en oubliant qu'ils sont leur propre démon (la Générale pour ne citer qu'elle) ou d'autres, comme notre protagoniste Joshua, devront reconnaître leur responsabilité tout en permettant leur rédemption. Et après moult films passés avant lui sur le sujet de l'intelligence artificielle (on pense évidemment à "Blade Runner", "I Robot", "A.I."...), le metteur en scène choisit d'axer sa réflexion sur la question de la réalité des émotions. Peut-on réellement aimer quelque chose qui n'est pas humain ?

Cette notion de ce qui est réel ou non est posée par les personnages tout au long du récit. Interrogeant leur propre humanité, leur propre logique, comment se fait-il qu'une émotion, un ressenti, l'amour, arrivent à aller au-delà de toute considération ? Un cœur sensible se déploie devant nous, malgré les nombreuses fusillades urbaines et autres explosions spatiales. On n'avait pas vu le cinéaste si sensible depuis "Monsters", et sa mise en scène naturaliste renforce cet effet. Et c'est bien la première fois depuis son incursion dans le monde du blockbuster que le bonhomme arrive à caractériser ses personnages et à tendre vers des moments suspendus où une ambiance poétique plane comme un voile qui recouvre l'entièreté du métrage. La distribution n'est pas étrangère à ce constat et la présence magnétique de John David Whashington permet une identification efficace. Soulignons aussi au passage la prestation tout en justesse de Madeleine Yuna Voyles, qui symbolise à elle seule l'émotion du film, toujours à fleur de peau. Ajoutons que la partition du maître Hans Zimmer, toute en sonorités aériennes, renforce encore cette émotion et la poésie de l’œuvre.

Quel plaisir de voir se conjuguer avec autant de maîtrise une réflexion intéressante, un personnage central cohérent avec une vraie trajectoire, et un spectacle d'une richesse inouïe. Que ce soit la maîtrise des effets spéciaux (le cinéaste étant lui-même un petit génie en la matière), le travail sur le sound design qui rend chaque bruitage unique et propre à cet univers, des cadres qui rendent le gigantisme des décors ou des blindés ennemis impressionnants (exercice dans lequel il excellait déjà sur "Godzilla") et la tonne d'idées SF rafraîchissantes (le scan du visage, le transfert de conscience, Lunair Airways…), c’est à un spectacle généreux mais surtout soigné qu’on assiste. Après la multitude de gros projets de studios dotés de budgets faramineux, il est si satisfaisant de constater qu'avec « seulement » 80 millions de dollars et une vraie vision, le film dit « grand spectacle » a de beaux jours devant lui avec des metteurs en scènes de la trempe de Gareth Edwards.

Pour couronner le tout, en plus d'un spectacle total et généreux, le film se permet une critique envers les États-Unis et l'Occident en général. Présentés comme finalement les responsables de leur propre chute, les Américains continuent dans leur guerre jusqu'à l'hypocrisie la plus totale où l'on découvre qu'ils utilisent eux-mêmes ce qu’ils ont juré de détruire. Gendarmes du monde, ingérence dans les pays où l'IA se développe, le constat est amer et finalement très proche de la réalité. Alors certes le film n'évite pas quelques écueils et des rebondissements peut être un peu prévisibles, mais il n'en fait jamais l'attraction principale. Son histoire est simple mais dense et fourmille de détails qu'on prendra plaisir à déceler en revoyant le film, encore et encore. Une telle sincérité n'est jamais parasitée par ces quelques convenances.

C'est bien là où on peut dire que le film est un vrai film de science-fiction. Évidemment il y a du « baboum » et une séquence spatiale, mais il y a avant tout un rapport étonnant à notre réel. Dorénavant, en 2023, la projection de ce monde-là nous paraît finalement assez proche. Le film nous rappelle que, nous spectateurs, avons déjà un pied dans ces questionnements, dans l'avènement d'une prochaine ère. Terriblement lointain et en même temps très proche, l'avenir dépeint sous nos yeux nous paraît plus familier que totalement nouveau et différent. Entre des idées novatrices à la pelle, une générosité sans égale à l'heure actuelle et un soin apporté à chaque détail, on peut dire que "The Creator" est la bonne surprise SF de la rentrée. Celle qu'on n’attendait plus et qui choisit de délivrer un message rempli d'espoir et d'amour sur un thème aussi actuel et terrifiant que l'intelligence artificielle. Finalement, le vrai problème de l'Homme c'est bel et bien lui-même. Laissons la place à une autre espèce. Il fallait oser comme message dans un film estampillé divertissement.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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