THE CITY AND THE CITY
Un film trop conceptuel, mais éprouvant
La montée de l’antisémitisme et le traitement des juifs dans la ville grecque de Thessalonique, de 1931 aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, jusqu’à la ville d’aujourd’hui…
En sortant de la projection de "The City and the City", le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré sa construction non linéaire et ses nombreuses digressions, ce film aura réussi à faire ressentir au spectateur un réel malaise face aux traitements humiliants infligés aux juifs à partir de 1931, date ou semble commencer ces exactions avec l’afflux de réfugiés chrétiens, juifs et d’autres minorités. Alternant entre noir et blanc et couleur, mais aussi entre images de l’époque et reconstituons, Christos Passalis et Syllas Tzoumerkas (auteurs de "The Miracle of the Sargasso Sea") composent des plans troublants, où la focale se fait parfois sur le centre de l’image ou dans un angle en particulier, et use de superpositions de moments joyeux (une danse dans les marais) et de sons annonçant un autre destin (le message indiquant la ségrégation entre juifs et autres habitants).
Montrant que la violence ne s’est malheureusement pas arrêtée avec la guerre (une partie de l’université a notamment été construite en 1950 sur le cimetière juif), les réalisateurs posent la question de la mémoire et de la volonté officielle d’en effacer les traces. Du ghetto de 1943, on passe ainsi dans un apparent désordre à des exécutions sommaires dans les marais, jusqu’à aborder le « retour » des exilés, la tentation de la vengeance pure et simple, et la mission qui encore aujourd’hui répertorie les propriétés juives spoilées. Mais le plus marquant, au delà des chiffres alarmants (99% de la population juive éliminée, entre 300 et 500 000 morts sous l’occupation), restera sans doute ces plans d’un terrain vague (le Liberty Square) séparé par un mur d’enceinte de la circulation actuelle en bord de mer, dans lesquels sont passées en revue différentes méthodes de tortures, montrant à la fois la volonté d’avilissement et de dégradation d’êtres considérés comme des jouets et non des humains. Des scènes à la limite du soutenable, mais que la reconstitution, mêlée à quelques photos de l’époque, rend encore plus fortes.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur