THE ANTIQUE
Une autre forme d’« opération spéciale »
Lado transporte en douce des meubles anciens de Géorgie à Saint Petersbourg en Russie, où ils sont stockés dans un immense entrepôt. Lassée de ses combines, sa copine Medea visite quant à elle un appartement vendu avec un vieil homme dedans, prénommé Vadim. Elle s’y installe, alors que les autorités se font de plus en plus violentes avec les Géorgiens…
"The Antique", découvert non sans mal (des tentatives pour interdire la projection ont eu lieu juste avant le festival) dans la section Giornati Degli Autori du Festival de Venise 2024, est un film à l’âme slave, aussi concentré sur une sorte de décadence de lieux foisonnants (l'entrepôt ressemble à un appartement géant et labyrinthique) que sur un humour décalé qui met en scène autant l’exubérance des personnages que leur caractère taciturne. Sous couvert du portrait d’un géorgien (Lado) et de sa petite amie (Medea), ce sont à la fois une certaine forme d’exploitation que les expulsions illégales des géorgiens de Russie, pratiquées en 2006, qui sont ici pointées du doigt. Le film s'ouvre et se referme d’ailleurs par les voix d’un procès de la cour pénale internationale entre la Géorgie et la Russie.
Avec un certain sens du grotesque et du cocasse, Rusudan Glurjidze nous plonge ainsi dans un entrepôt bordélique, où le patron surveille à partir d’une caméra et fait passer ses ordres par haut-parleur interposé, à la manière d’un big brother, ceci jusqu’à ce que des ouvriers se mettent à jouer avec les caméras. Il s’amuse aussi de l’intérieur de l’appartement de ce vieil homme russe désargenté, contraint de vendre tout en restant occupant, et tout en gardant intactes ses moindres exigences quand à son futur co-occupant. Tournant les visites en une sorte de balais où les portes claques, tout comme la visite de Lado à sa copine une fois installée vire aussi à la pantalonnade, il évoque finalement avec une certaine légèreté le passage d'une certaine insouciance amoureuse à une inquiétude généralisée. Les moments à l’extérieur des deux lieux principaux devenant finalement des lieux de danger, où peuvent survenir violences et déportations arbitraires de la part d'un Etat commençant à montrer un visage xénophobe et totalitaire. Ceci jusqu’à offrir une fin ouverte, après une ellipse, où l’on peut imaginer qui sonne à la porte de Medea, selon qu’on est optimiste ou pessimiste.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur