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LA TÊTE EN FRICHE

Un film de Jean Becker

Retour au livre

Germain, 45 ans, quasi analphabète, vit sa petite vie tranquille entre ses potes de bistrot, sa copine Annette, le parc où il va compter les pigeons, et le jardin potager qu’il a planté derrière sa caravane. Un jour, au parc, il fait la connaissance de Margueritte, une très vieille dame, ancienne chercheuse en agronomie, qui a voyagé dans le monde entier et qui a passé sa vie à lire…

Avant de parler du film, prenons un instant pour repenser à la filmographie de Jean Becker. Il y a les films “conflictuels“, où le personnage principal est seul face au reste du monde, qu’il rejette ou par lequel il est rejeté. Le (anti)héros est seul face à son destin et ses secrets plus ou moins inavouables, à l'image d'Albert Dupontel dans “Deux jours à tuer”, Isabelle Adjani dans “L’Été meurtrier” ou Vanessa Paradis dans “Elisa”. De l’autre côté, nous avons les films où le cinéaste jette un regard plein de tendresse et d’humour sur ses personnages, des films qui sont des hymnes à la vie et à la nature: “Les enfants du marais”, “Un crime au paradis”, “Effroyables jardins”, “Dialogue avec mon jardinier”. Ce que j'appellerais, sans méchanceté aucune, des films de papys. “La tête en friche“ est plutôt de la seconde veine. Si vous avez aimé les films précédemment cités, vous devriez donc logiquement apprécier ce nouvel opus.

La simplicité et les bons sentiments sont les maîtres mots de cette histoire. Ici, pas de fulgurance, “juste” des personnages avec qui on rentre tout de suite en sympathie, même avec les plus détestables. Notre Gégé national (qui retrouve Becker 15 ans après “Elisa”) prouve une fois de plus qu’il peut tout faire et qu’il est aussi à l’aise en Cyrano de Bergerac qu’en simplet du village. On pourra regretter cependant un trop plein de bons sentiments, à l’image des rencontres entre l’homme et la vieille dame. Les dialogues (signés Jean-Loup Dabadie) donnent parfois l’impression qu’on est dans du Carné ou du Renoir (en moins bien quand même) et donnent un petit côté désuet et naïf à l’ensemble. Mais n’est-ce pas normal après tout: Gisèle Casadesus avait bien 30 ans quand sortaient en salle “Les enfants du paradis”...

Le film présente des sentiments, des situations et des personnages qui paraissent dépassés ou en tout cas, d’une autre époque. Mais est-ce un tort dans le fond? Si l’on ressent un décalage, n’est-ce pas parce que depuis des années on nous gave de films qui ne nous donnent plus ce qui constitue l’essence du cinéma: messages, beauté et émotions ? En ce sens, notons que le film est aussi un hommage à la littérature. C’est l’objet des rencontres entre Germain et Margueritte, la découverte pour l’un et le partage pour l’autre, de la force et de la poésie des mots. Aujourd’hui nous vivons dans un monde où, avec le cinéma, la télévision et surtout internet, tout passe par l’image. Jean Becker essaie de nous remettre dans le droit chemin en nous rappelant qu’avant toutes ces révolutions technologiques, il y avait ce petit objet rectangulaire, pas lourd, pas cher, qui contient toutes les richesses du monde et qui s’appelle un livre. Ce n’est pas négligeable.

Rémi GeoffroyEnvoyer un message au rédacteur

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